Résolution : n’aller voir la grande exposition Picasso que lentement, posément, sans trop de foule, au mépris de l’actualité; en attendant, Orsay et le Louvre. La confrontation Picasso Manet à Orsay autour du Déjeuner sur l’herbe (jusqu’au 1er Février) est, semble-t-il, la plus passionnante. Au lieu de simplement juxtaposer toiles de Picasso et toiles de maître(s), elle décortique sur trente ans la manière dont Picasso a absorbé, digéré, transformé la toile de Manet.
Des questions essentielles se posent là : la juxtaposition du nu et du vêtu, les interactions dites ou suggérées entre les protagonistes, la peinture en studio et la nature. De ce tableau qui fit scandale, Picasso mesure d’abord l’ampleur, la force : c’est ainsi qu’en 1932 il note, au dos d’une enveloppe, le commentaire “Quand je vois le Déjeuner sur l’herbe de Manet, je me dis des douleurs pour plus tard” (beau texte de François Rouan dans le catalogue sur ces ‘douleurs’).
Mais plus souvent, c’est la situation elle-même, la ‘partie carrée’ qui est triturée, recomposée, redéfinie, ce sont les liens entre les personnages, qui regarde qui, qui désire qui, qui domine qui. Au fil des tableaux et des dessins, Picasso rebat les cartes, recompose le voyeurisme, reconstruit le décor théâtral, jusqu’à le faire exploser dans le jardin de sculptures qu’il installe en 1964 à Stockholm.
Dans les salles voisines, une revisite de l’histoire de l’art moderne (d’une certaine histoire) au travers du pastel: au delà du discours un peu convenu, de très belles oeuvres.
1. Fragment d’une plaque décorée du Déjeuner sur l’herbe, 15 mai 1962, céramique, 48.5×33.5×1.8cm, Paris, Musée Picasso, MP 1990-376. Photo RMN, ©Gérard Blot.
2. Peintre cul-de-jatte dans son atelier peignant le Déjeuner sur l’herbe, 9 avril 1970, eau-forte, 22×28cm, Paris, Musée Picasso, MP1990-234.Photo RMN, ©Madeline Coursaget.
©Succession Picasso . Les reproductions des oeuvres de Picasso seront ôtées du blog à la fin de l’exposition.