Libéralisme : Marx a-t-il mangé le cerveau de Nicolas Sarkozy ?

Publié le 11 octobre 2008 par Omelette Seizeoeufs

Ce qui est presque aussi drôle que le discours de Toulon lui-même, ce sont les réactions de certains supporters de Sarkozy. J'imagine ce que doivent penser en ce moment par exemple les électeurs centristes dont le souci principal est la réduction de la dette.

Ou encore les libéraux. En ce moment, dans la blogosphère en tout cas, il est un peu moins agréable d'être libéral depuis quelques semaines. Raphaël Anglade nous rappelle que les leçons véritablement politiques de cette affaire ont été ignorées, y compris par la gauche. Leçons qui devraient mettre fin à des années de consensus, y compris à gauche, sur les bienfaits pour tous d'un marché régulé par la seule Main Invisible. Dagrouik, de son côté, s'en prend une fois de plus aux contradictions du discours libéral, cette fois à propos des LBO ou leveraged buyouts (où l'on achète une société en empruntant contre la valeur de cette même société, pour ensuite la saigner tout en s'en mettant plein les poches).

J'ai eu un plaisir énorme à dire, l'autre jour, que la droite était enfin en train de se libérer enfin son sur-moi libéral. Il est certain en tout cas que chez les libéraux, la "crise" est la source de bouleversements psychologiques profonds. On ne se débarasse pas d'un sur-moi comme d'une Porsche. Ça se travaille.

Prenez cet édito d'Yves de Kerdrel au Figaro. Le pauvre Monsieur de Kerdrel est déçu. Pire que déçu. Car il se trouve qu'il y a deux Nicolas Sarkozy, le bon et le mauvais. Le "bon" était celui qui allait remettre le travail et l'entreprise au goût du jour, un bon coup de pied au cul collectif des fainéants collectivistes. Le mauvais Sarkozy est l'Etatiste, le volontariste, l'avocat d'"un État paratonnerre, dans l'orage boursier, parapluie dans l'averse de mauvaises nouvelles économiques".

Plutôt que de reconnaître la schizophrénie du libéral qui souhaite malgré tout, malgré lui, l'intervention de l'État pour sauver ses amis banquiers et prévenir l'évaporation de ses biens, le patient préfère projeter la scission du soi sur quelqu'un d'autre. On ne va pas s'en plaindre, puisque la cible dans ce cas est le TGH lui-même.

Pourquoi donc y a-t-il deux Sarkozy ? Ce n'est pas vraiment un défaut du bonhomme, il semblerait, c'est la faute de la France.

Il y a deux Nicolas Sarkozy parce qu'il y a deux France. Il y a celle qui, en votant pour lui il y a dix-huit mois, a voulu voir enfin récompensés l'initiative individuelle, le travail, le mérite, l'audace, la création d'entreprise et de manière générale tous ceux qui se lèvent tôt pour produire de la richesse collective. Et puis il y a hélas - trois fois hélas ! - une France toujours envoûtée par le socialisme qui ne vit que par l'État, qui attend tout de la collectivité, et qui tire plus de la moitié de ses revenus des impôts que seuls payent une minorité de Français. Il y a cette France shootée depuis plus d'un demi-siècle à cette idéologie surannée qui a servi d'opium aux intellectuels germanopratins et d'instrument démagogique à un Valéry Giscard d'Estaing, un François Mitterrand et un Jacques Chirac.

Une infime minorité de Français, vaillants, forts, énergiques, travaillent et produit de la valeur, la majorité fainéante vit à leurs crochets. Bien entendu, les fonctionnaires sont des assistés aussi, à peine mieux que des RMIstes. La tragédie de la droite française, c'est qu'elle a beau occuper le pouvoir depuis tant d'années, elle ne peut le faire qu'en maniant ce même "instrument démagogique" : Giscard et Chirac sont donc tout aussi coupables que Mitterrand.

Ce n'est pas léger, ce dont Monsieur de Kerdrel accuse cette bande de gauchistes irréductibles (mais il faudrait ajouter Pompidou et De Gaulle aussi) : ce sont pour lui carrèment des marxistes, parce que, voyez-vous, le marxisme c'est tout d'abord la religion de l'État.

Que le pays ait pu s'endetter pendant un quart de siècle avec l'approbation de tous les partis sur le dos de ses petits-enfants, pour créer dans le même temps un million de postes de fonctionnaires, constitue une illustration parmi d'autres de ce marxisme qui n'ose dire son nom.

Chirac et Giscard étaient des marxistes ! J'avoue que je ne le savais pas. Car le marxisme se résume à ceci : "l'État est forcément meilleur que les individus." Exit la lutte des classes, le marxisme n'est rien d'autre que l'étatisme.

Il y a quelque chose d'étrange dans cette réaction troublée au discours de Toulon, de la part de quelqu'un qui a visiblement été un supporter inconditionnel du "candidat Sarkozy", séduit par les promesses de "rupture". Qu'un libéral s'inquiète devant les allures volontaristes de l'étatisme sarkozyën, c'est normal. Ou : c'était normal il y a encore quelques semaines, avant que l'ampleur de la crise banquaire devient le sujet politique unique. Ce qu'il y a d'étrange dans cet édito, c'est Monsieur de Kerdrel ne mentionne la crise banquaire qu'en passant : "les excès de quelques-uns et par cette cupidité qui a noyé le monde 'dans les eaux glacées du calcul égoïste', pour reprendre l'expression chère à l'auteur du Capital". Et il n'explique pas du tout ce qu'il ferait à la place du TGH. Car finalement, ce vrai libéral ne peut pas voir cette crise. Elle n'existe pas. C'est bien plus simple de procéder ainsi que de remettre en cause ses idées.