Tout commence avec deux scarabées copulant qu’observent des paysans coréens. Arrive un troisième scarabée qui repousse son rival et que la femelle accepte. Et les rustres de comparer la bestiole à la mère d’Ihwa, une jeune et jolie veuve qui tient une taverne et sur laquelle courent bien des ragots…
Dans Histoire couleur terre, comme le titre l’indique aussi, c’est au plus près de la nature, souvent métaphore de l’humanité, que vont être étudiés le cycle de la vie et la sexualité. Le manhwa (manga coréen) de Kim Dong-Hwa raconte la vie quotidienne de la veuve Namwon et de sa fille Ihwa, d’un point de vue essentiellement féminin, vie marquée par le cycle des repas, les transformations du corps et surtout les questionnements sur les émois et la sexualité qu’apporte chaque printemps. Car la découverte du corps et des sentiments est intimement liée aux cycles de la nature, et bien souvent les fleurs y servent de métaphore : la veuve renaît ainsi à la sensualité dans l’attente rêveuse d’un écrivain public itinérant, pour lequel elle a planté des fleurs de calebasse, qui ne s’épanouissent que la nuit et lui permettent de sortir attendre l’être aimé sur le pas de sa porte.
Tout cela se dit d’une façon à la fois très poétique et très crue (ce sont souvent les hommes et particulièrement les clients fanfarons de la taverne de la veuve qui assument ce rôle plaisant et un peu ridicule ; on retrouve d’ailleurs dans le manhwa l’emploi déjà rencontré dans des films coréens de benêt _ ou de copine délurée un peu grossière, car Ihwa a une amie plus audacieuse qui est une sorte de caricature de la fillette).
Les différents épisodes nous plongent donc dans cette Corée rurale, avec son temple bouddhiste entretenu par un vieux moine édenté et un jeune « apprenti » (j’ai pensé au film Printemps, été, automne, hiver et printemps, dans lequel la nature avait aussi son importance), ses fils de fermiers partant étudier à la ville et ses croyances populaires. On y mange un malicieux poulet au riz et au ginseng (préparé avec des châtaignes et des dattes séchées, hum !) et on y transmet des secrets de beauté et des légendes.
Le dessin est varié, mêlant vignettes épurées sans décor et belles planches montrant les personnages dans la nature luxuriante. Ceux-ci sont traités différemment selon qu’il s’agit de personnages « sérieux » ou de personnages secondaires dont on veut accentuer les traits caractéristiques. Mais les héroïnes, gênées, peuvent prendre des mines stylisées de personnages de cartoons !
L’histoire est limpide et parfaitement construite, souvent touchante. Je n’ai pour l’instant lu que le premier tome mais je gage que les deux volumes suivants auront la même délicatesse !
J’avais repéré cette série chez Sylvie.