Chez lui, de gré ou de force, il faut boire. Son estime est à ce prix. Et pas de simples rafraîchissements. L’un des premiers Français à pratiquer l’art du cocktail, il adore mélanger les liquides, essayer, guidé par sa seule fantaisie, de nouvelles combinaisons, aviver la violence des alcools par des mariages imprévus, tantôt atroces et tantôt délectables.
Aux anges quand un de ses hôtes approuve d’un claquement de langue la composition inédite qu’il vient de lui servir, il n’exulte pas moins quand il en terrasse un autre d’une étrange mixture. Alors, diaboliquement, il éclate de rire, ingurgitant comme si de rien n’était l’effroyable ripopée. Personne en ce domaine ne saurait lui tenir tête. Il n’a pas son pareil pour lamper les tord-boyaux les plus meurtriers.
« Teknik
de l’assassinat, prononce-t-il, la mine gourmande, en martelant ce mot de « technique », qui revient constamment dans sa conversation »Pendant que Lautrec alcoolise ainsi ses visiteurs et lui-même, Van Gogh s’est assis dans un coin de l’atelier devant une de ses propres toiles qu’il a apportée avec lui. Cette toile, il l’ a équilibrée du mieux qu’il a pu, sous la meilleure lumière, et il attend que quelqu’un l’aperçoive, daigne lui en parler. Mais personne, jamais, ne prête attention à son œuvre. Alors, lassé, il reprend sa toile et s’en va… »