PAR BERNARD VASSOR
Le Château-Rouge à Montmartre le 18 mars 1871 Le siège du soixante-et-unième bataillon de la Garde nationale le 18 mars 1871, rue de la Fontenelle, anciennement rue des Rosiers, aujourd'hui rue du Chevalier de la Barre, au sommet de la Butte. ................. Dans un entretien à le feuille de Sébastien Faure "Le Journal du Peuple", un ancien membre du Comité Central de la Commune, le citoyen Bonnefoy, revenu de "La Nouvelle" après l'amnistie, donne sa version des faits survenus 28 ans plus tôt.A la question du journaliste : Voulez-vous évoquer vos souvenirs du 18 mars ? :
Le 18 mars à Montmarte
--"Jusqu'à ce jour le parc de Montmartre avait été gardé par un bataillon de la Garde nationale*. Sur les assurances qui nous avaient été donnéepar le maire**au nom du gouvernement, la garde fut diminuée et réduite à une centaine d'hommes, Notre simplicité était tellement grande que nous croyions encore à la sincérité de ces gens là.
Le 18 à quatre heures du matin***, une colonne se présente au sommet des buttes. La sentinelle crie : -"qui vive ?", il lui est répondu par une charge de mousquetterie. C'était le général Lecomte qui à la tête d'une brigade, venait tenir la parole donnée par le gouvernement.
Les quatres hommes qui étaient de garde au parc s'esquivèrent comme ils purent, quoique quelques uns furent fait prisonniers. Les buttes étaient prises****.
Toutes les précautions avaient été prises depuis quelques jours, les tambours et les clairons avaient été séquestrés par ordre supérieur.
Le bruit de la prise des buttes se répand dans le quartier. L'agitation est à son comble ! A toutes les rues des soldats et de l'artillerie formant cordon et interdisant la circulation.
Les gardes nationaux se groupent et se consultent; quelques uns veulent monter, ils en sont empêchés par la troupe. Le tocsin sonne de tous les côtés; des gardes parcournt les rues en tirant des coups de fusil en l'air, en criant : --"Aux armes !" Tous les gardes sont bientôt en tenue le fusil en bandoulière. Alors les rangs se forment et de tous les côtés on monte à l'assaut des buttes aux cris de "Vive la ligne ! vive la République !" La tête de la colonne s'engage dans la rue de la Fontenelle, l'élan est indescriptible, à mesure que l'on avance, les les rangs se serrent de plus en plus. La montée s'effectua sans accident jusqu'à la montée du "Rocher Suisse",. Là, un moment d'hésitation, à cinquante pas de nous, en haut de l'escalier, un obusier chargé, prêt à faire feu; des deux côtés de la pièce, un peloton d'infanterie, le fusil en joue....et la colonne monte toujours.
Le Rocher Suisse, était un cabaret que l'on voit à droite, en bas des escaliers.............
Ce qui se passa alors est connu, le général Lecomte ordonnant par trois fois de tirer sur la foule, les soldats levant la crosse en l'air, la capture du général Lecomte et l'arrestation près de la place Pigalle du général Clément Thomas qui avait commandé le feu en juin 1848 sur le peuple, les deux hommes sont d'abord conduit au "Chateau-Rouge" puis remonté rue des Rosiers devant une foule déchaînée, un coup de fusil part, le général Lecomte est tué, puis Clément Thomas, appuyé contre un mur du 61° est fusillé à son tour.
* Le 61 ième basé au 6 rue des Rosiers
**Georges Clémenceau
***De nombreux autres témoigages disent 3 heures.
****Bonnefoy oublie qu'un des gardes fut blessé au ventre, et qu'il mourut huit jours plus tard à l'hôpital Lariboisière.