Loi n est le premier livre de Marco Boubille, qui a fait du théâtre, du cinéma et de la philosophie avant de devenir professeur.
Le livre est ambitieux.
Construit en deux séquences successives, qui interrogent, mais différemment,
sous deux angles distincts, la question des origines.
Dans un premier
temps, il se penche sur la question de sa langue, ou plutôt de cette langue
cachée sous sa langue, l’italienne sans doute, qui lui fait rouler les R. Il
explore la question avec quelques références linguistiques mais traitées avec
distance, voire ironie. Question de la prononciation, mais aussi question du
genre et in fine question de
l’identité, avec des jeux de mots – sans excès – presque de l’ordre du lapsus
cher à Freud. Ainsi par exemple ce magnifiques « Qu’est-ce que j’en ai à
frères ? »
Car ce qui est posé
derrière la question de la langue, c’est surtout celle du géniteur, un père
fantôme qui déboule dans la vie de Marco Boubille alors qu’il a 13 ans. Père
qu’il va saluer d’un « Bonjour Monsieur » où il entendra par la suite
un écho du « Nothing, Sir » de Cordelia, dans le roi Lear. Monsieur
je n’ai rien à voir avec vous et puisqu’il s’agit ici du texte d’un écrivain,
je n’ai rien à vous dire et rien à dire de vous, ou trop.
Dans les deux
séquences, l’auteur procède comme par tailles successives autour de ces thèmes.
On pourrait dire qu’il tourne autour du pot, mais il le fait avec beaucoup de
talent et surtout en poète, en se servant des outils de la langue, prenant
parfois la syntaxe à rebrousse-poil.
C’est un livre
difficile, parfois obscur mais qui donne le sentiment de reposer sur un travail
d’écriture complexe, subtil, très intéressant sur la négation, sur le
« rien », sur la 3ème personne du singulier. Pas de R
roulé, pas de père : il y a sans doute là un excellent terreau pour une
vocation d’écrivain « [IL FAUT] neutraliser mes langues ou mes
vertiges » (58)
Marco Boubille
Loi N
éditions Les Petits Matins
12 €