Lorsque j’ai écouté les premières chansons du Grand Jacques, j’avais à peine dix ans et à cet âge, j’avoue que Brel ne m’intéressait pas trop , il a fallu quelques années encore pour comprendre ses merveilleux textes « Quand on a que l’amour pour parler aux canons Et rien qu’une chanson Pour convaincre un tambour – Alors sans avoir rien Que la force d’aimer Nous aurons dans nos mains Amis le monde entier. » j’ai alors presque religieusement écouté l’ensemble de ses chansons sublimes . Beaucoup disaient qu’il était parfois insupportable , qu’il était misogyne, peu importe ce qu’il fut, mais pour écrire « Ne me quitte pas – Laisse-moi devenir L’ombre de ton ombre L’ombre de ta main L’ombre de ton chien !! » il fallait aimer la femme, la sublimer.. comme personne ne l’avait jamais fait avant lui. Et que dire de « La tendresse – Pourquoi crois-tu la belle Que monte ma chanson Vers la claire dentelle Qui danse sur ton front Penché vers ma détresse Pour un peu de tendresse !! » et puis plus tard, il y eu « J’arrive – Mais qu’est ce que j’aurais bien aimé Encore une fois traîner mes os Jusqu’au soleil jusqu’à l’été Jusqu’à demain jusqu’au printemps J’arrive j’arrive.. !! » Si le grand Jacques avait encore été parmi nous aujourd’hui, j’imagine l’homme et ses réactions sur la position et la politique de son pays, passionné, instinctif. Il disait déjà « C’est devenu très, très difficile d’être belge, c’est devenu …à la limite de l’impossible. Il va falloir arranger ça un de ces jours. » A propos de nos voisins du nord, bien que né à Bruxelles, il était flamand…. Alors il fallait en avoir pour écrire un tel texte en 1977 , nous sommes en 2008… « Messieurs les Flamingants J'ai deux mots à vous rire Il y a trop longtemps Que vous me faites frire À vous souffler dans le cul Pour devenir autobus Vous voilà acrobates Mais vraiment rien de plus Nazis durant les guerres
Et catholiques entre elles Vous oscillez sans cesse Du fusil au missel Vos regards sont lointains Votre humour est exsangue Bien qu'y aient des rues à Gand Qui pissent dans les deux langues Tu vois quand j'pense à vous J'aime que rien ne se perde Messieurs les flamingants Je vous emmerde Vous salissez la Flandre Mais la Flandre vous juge. Voyez la mer du nord Elle s'est enfuie de Bruges. Cessez de me gonfler Mes vieilles roubignoles
Avec votre art flamand-italo-espagnol. Vous êtes tellement, tellement Beaucoup trop lourds
Que quand les soirs d'orage Des chinois cultivés Me demandent d'où je suis, Je réponds fatigué Et les larmes aux dents : 'Ik ben van Luxembourg'. Et si aux jeunes femmes, On ose un chant flamand, Elle s'envolent en rêvant Aux oiseaux roses et blancs Et je vous interdis
D'espérer que jamais à Londres Sous la pluie on puisse Vous croire anglais Et je vous interdis À New-York ou Milan D'éructer Messeigneurs Autrement qu'en flamand Vous n'aurez pas l'air cons Vraiment pas cons du tout Et moi je m'interdis De dire que je m'en fous Et je vous interdis D'obliger nos enfants Qui ne vous ont rien fait À aboyer flamand Et si mes frères se taisent Et bien tant pis pour elles. Je chante persiste et signe : Je m'appelle Jacques Brel » Mais il a dit aussi : « La Belgique vaut mieux qu’une querelle linguistique ».Il a dit aussi « Si j’étais le roi, il me semble que je ferais faire six mois de service militaire, et pendant les autres six mois, j’enverrais les gars de Wallonie en Flandre et les gars de Flandre en Wallonie, chez des gens… »
Six pieds sous terre Jacques, tu chantes encore..Six pieds sous terre, tu n’es pas mort.
En hommage à l'homme, à l'artiste, au troubadour du XXI siècle qui nous quittait il y a 30 ans déjà..