Bertrand Bonello est un excellent cinéaste, mais tout le monde peut se tromper. Tel est le bilan que l'on peut effectuer à l'issue des cent trente minutes de projection de De la guerre, son dernier film en date et le moins bon de tous. Entendons-nous bien : tout n'est pas à jeter. Déjà, il y a Mathieu Amalric, et c'est le genre de détail qui peut sauver n'importe quel sombre navet. Tour à tour rigolard et sinistre, il injecte au film ce côté lunatique et imprévisible qui constitue l'une de ses principales réussites. Les autres acteurs ne sont pas mal non plus, sauf peut-être un Guillaume Depardieu tombant la tête la première dans la caricature.
Les autres bons points sont à distribuer avec parcimonie, de même que sont distribuées les bonnes scènes sur la toile. Après un début de film intéressant (comment le héros se retrouve enfermé dans un cercueil et cherche à revivre "ça"), le film de Bonello bascule vers une sorte de folie furieuse, de méditation absconse, de transhumance trop intérieure, comme un Last days dopé aux champis moisis, et sans la mise en scène de Gus Van Sant. Il y a des scènes de transe à réveiller un mort, quelques passages tragi-comiques qui ne laisseront pas insensibles ceux qui n'ont pas quitté la salle... et puis il y a le reste. C'est-à-dire rien que de l'hystérie de base, de l'incompréhension en veux-tu en voilà, du grain à moudre offert à tous ceux qui dénigrent le cinéma d'auteur français. On se promène avec des masques d'animaux, on pratique des rituels énigmatiques, on en discute comme si c'était normal et simple à interpéter. Malgré l'humour qui parsème le film, c'est l'austérité qui prédomine, sans vraie motivation apparente. Si ce n'est celle d'esquisser un auto-portrait de Bonello, qui nomme son héros Bertrand, sème quelques indices troublants et insère même des images de Tiresia, l'une de ses oeuvres précédentes. On croit détenir la clé lorsque Laurent Lucas, qui joue Laurent Lucas, vient chercher Amalric/Bonello sur son lieu de méditation (?) en lui demandant d'arrêter de déconner et de se remettre à faire des films. Avant de sombrer de nouveau sous les coups de ce cinéma qui ne cesse de s'enrouler autour de sa propre prétention. On préférait le Bonello torturé mais sincère des films d'avant.
4/10