Vingt-quatre heures de la vie d'une femme - Stefan Zweig

Par Karineetseslivres


Vingt-quatre heures de la vie d'une femme - Stefan Zweig
Le Livre de Poche - 128 pages.

Scandale dans une pension de famille "comme il faut", sur la Côte d'Azur du début du siècle : Mme Henriette, la femme d'un des clients, s'est enfuie avec un jeune homme qui pourtant n'avait passé là qu'une journée...
Seul le narrateur tente de comprendre cette "créature sans moralité", avec l'aide inattendue d'une vieille dame anglaise très distinguée, qui lui expliquera quels feux mal éteints cette aventure a ranimés chez la fugitive.
Ce récit d'une passion foudroyante, bref et aigu comme les affectionnait l'auteur d'Amok et du Joueur d'échecs, est une de ses plus incontestables réussites
.
C'est un billet de
Karine (mon coin lecture) qui m'a donné envie de découvrir cet auteur et ce roman. Et ce fut une fort belle découverte...
Le narrateur nous dévoile ici la confession d'une dame agée, marquée à jamais par vingt-quatre heures de sa vie.
Mrs C., veuve de quarante ans, séjourne sur la Côte d'Azur, où, pour tromper son ennui et la lassitude de son existence, elle passe ses soirées à observer les joueurs. Où pluôt à observer... les mains des joueurs...
Un soir, elle ne peut détacher son regard d'une paire de mains particulièrement expressive. Le jeune homme à qui appartiennent ces mains joue là son va-tout, et perd tout...
Malgré sa condition sociale et les règles de la bienséance, cette femme ne peut alors s'empêcher de suivre cet homme emplie de désespoir, au bord du gouffre...
Débutent ici vingt-quatre heures qui marqueront à jamais son existence...
Je n'avais pas encore lu Stefan Zweig. Voilà qui est fait, et pour mon plus grand plaisir.
En effet, ce court roman nous est dévoilé, comme sur grand écran. Chaque scène est vécue, zoomée, ressentie dans toute sa profondeur, pour que le lecteur se retrouve absorbé, au coeur de l'histoire. Stefan Zweig sait décrire sans lassé.
Les sentiments des personnages sont décrits avec force et merveille. Et le passage de la description de ces mains de joueurs est une fort belle réussite. La folie du jeu, la dépendance ingérable, qui ne laisse plus aucune place pour la raison est retranscrite avec toute sa violence. Et que dire de cette femme qui voit naitre en elle la passion, avec toute sa force et ses tourments.
Extraits :

"C'étaient des mains d'une beauté très rare, extraordinairement longues, extraordinairement minces, et pourtant traversées de muscles très rigides - des mains très blanches, avec, au bout, des ongles pâles, nacrés et délicatement arrondis. Eh bien, je les ai regardées toute la soirée - oui, regardées avec une surprise toujours renouvelée, ces mains extraordinaires, vraiment uniques -, mais ce qui d'abord me surprit d'une manière si terrifiante, c'était leur fièvre, leur expression follement passionnée, cette façon convulsive de s'étreindre et de lutter entre elles. Ici, je le compris tout de suite, c'était un homme débordant de force qui concentrait toute sa passion dans les extrémités de ses doigts, pour qu'ell ene fît pas exploser son être tout entier." (page 46).
"Il ne levait les yeux ni sur moi ni sur personne ; son regard glissait seulement du côté de l'argent et vacillait avec inquiétude en observant la boule qui roulait : ce cercle vert et furibond accaparait et affolait tous ses sens. le monde entier, l'humanité entière s'étaient fondus, pourlui, dans ce rectangle de drap tendu. Et je savais que je pourrais rester là des heurs et des heures sans qu'il se doutât seulement de ma présence." (page 116). 
Vingt-quatre heures dans la vie d'une femme de Stefan Zweig est un roman que j'ai aimé découvrir. Pas une once d'ennui. Le lecteur est porté par la plume habile de Stefan Zweig, un auteur dont je lirai volontiers d'autres oeuvres.