Selon un sondage CSA paru hier dans Le Parisien / Aujourd'hui en France, 60% des Français seraient contre l'instauration d'une TVA sociale car elle entraînerait selon eux une hausse des prix. Mais combien de personnes comprennent le mécanisme de la TVA sociale, son intérêt et l'impact sur l'économie et les prix ? Pour pouvoir répondre à la question "pour ou contre la TVA sociale", il faut avant tout en comprendre les tenants et aboutissants.
Qu'est ce que la TVA sociale ?
L'idée de TVA sociale part d'un constat : nos dépenses de protections sociales (sécurité sociale, RMI, etc.) sont majoritairement financées par des cotisations sociales (salariales et patronales) indexés sur les salaires et par la CSG / CRDS indexées sur l'ensemble des revenus (salaires ou revenus du capital). Or, le vieillissement de la population et l'explosion de nos dépenses de santé, fait que nos dépenses de protections sociales augmentent. Dans une compétition internationale où la France souffre déjà de coûts salariaux élevés, il apparaît délicat d'augmenter encore les taxes sur les salaires. D'où l'idée d'instaurer une taxe sur la consommation pour contribuer au financement de la protection sociale, la TVA sociale.
Une taxe anti-délocalisation ?
Mardi, sur France 2, François Fillon préférait parler de taxe anti-délocalisation (écouter l'extrait audio disponible sur le site d'Europe 1) plutôt que de taxe sociale. En quoi la TVA sociale pourrait être une arme anti-délocalisation ? En fait, elle peut jouer ce rôle à deux titres. Premièrement, elle permet de faire financer notre protection sociale également par des produits importés, par exemple, le textile chinois. Ainsi, le T-shirt made in China participerait au financement de notre protection sociale alors qu'il y échappe complètement actuellement puisque par définition le produit importé est fabriqué par une main d'œuvre étrangère donc non soumise aux contributions et taxes indexées sur les salaires. Deuxièmement, si l'instauration d'une TVA sociale est couplée à une baisse des cotisations sur les salaires, on réduit les coûts salariaux en France et donc on lutte contre les délocalisations.
La TVA sociale va-t-elle faire augmenter les prix ?
Le sondage CSA nous montre que la majorité des Français en sont convaincus. Une première lecture pourrait militer dans ce sens. Si on augmente la TVA, par quel miracle les prix n'augmenteraient pas ? Pourtant, l'exemple Allemand nous prouve le contraire. Le gouvernement allemand d'Angela Merkel a relevé au premier janvier 2007 le taux de TVA de 3 points (de 16 à 19%). L'inflation est restée stable en mai à 1.9% en glissement annuel (cf. Les Echos). Comment expliquer ce phénomène ? Si on couple la TVA sociale avec une baisse des cotisations patronales, l'entreprise récupère une manne d'argent qu'elle peut utiliser pour - au choix - augmenter les salaires, augmenter les profits, investir ou faire baisser les prix. Etudions chacune de ces possibilités. Augmenter les salaires serait néfaste car on rentrerait dans une spirale inflationniste (les salaires augmentent, les prix augmentent, etc.). Augmenter les profits n'a pas forcément d'impact immédiat et direct sur l'économie. Investir n'est pas mauvais pour le pays à terme. Faire baisser les prix : nous y voilà. Si les prix hors TVA baissent, ils pourraient compenser la hausse de la TVA. La clé du succès de la mesure tient donc dans l'attitude des entreprises vis à vis de cette manne financière. C'est le pari de la mesure. Certains estiment que la concurrence va favoriser cette option.
L'exemple Danois
Si l'exemple allemand est un peu récent pour avoir le recul nécessaire, l'exemple danois lui date de 1987-89. Pendant cette période, le Danemark a augmenté sa TVA à 25% pour instaurer une TVA sociale et a quasiment fait disparaître les cotisations sur les salaires. Cette hausse de la TVA s'est faite quasiment sans inflation et avec un succès important sur l'économie avec un taux de chômage particulièrement faible (5,5%). Source : Wikipedia.
La TVA, un impôt injuste
Le seul vrai problème de la TVA sociale, comme la TVA tout court est un impôt injuste car il est payé sur les produits consommés. Or, un ménage a revenu faible va consommer plus proportionnellement qu'un ménage ayant une forte capacité d'épargne.
La TVA sociale va-t-elle casser la consommation ?
Un indicateur se porte invariablement bien en France : la consommation. Les détracteurs de la TVA sociale pensent que cette dernière va casser le moteur de l'économie française. Ce n'est pas sûr si on estime que la TVA sociale ne va pas forcément créer d'inflation. Ensuite, la consommation n'est pas forcément créatrice d'emploi car nous importons beaucoup de produits (textile, électronique grand public, etc.). Ne faut-il pas plutôt favoriser l'offre plutôt que la demande ?
Le consommateur et le citoyen
Dans ce débat sur la TVA sociale, nous pointons une fois de plus la dichotomie - ou la schizophrénie devrais-je dire - entre le consommateur et le citoyen. Le consommateur veut des produits bons marchés (cf. le succès des enseignes de hard discount) et le citoyen se plaint des délocalisations. Et si on taxait les uns pour contenter les autres ? Le problème est bien qu'il s'agit de la même personne.
TVA sociale et baisses d'impôts
Certains détracteurs de la TVA sociale estiment qu'elle va financer les baisses d'impôts décidés par Nicolas Sarkozy. L'argument ne tient pas si l'on considère que la TVA sociale aura pour objectif d'alimenter les différentes caisses gérées par les organismes sociaux et non par l'Etat.
Ma conclusion
Je suis "POUR" l'instauration d'une TVA sociale car je suis prêt à faire le pari qu'elle peut se faire sans inflation majeure. J'ai conscience du côté injuste de la TVA comme impôt, mais c'est notre seule arme anti-délocalisation à ma connaissance si l'on veut respecter nos accords à l'OMC (impossible de revenir à des taxes douanières par exemple). Au final, l'idée que mon T-shirt chinois paye une partie de mes dépenses sociales n'est pas pour me déplaire.