On se contente de redécouvrir des règles du jeu primates qui ont été quelque peu bafouées chez les humains.
Tout d’abord chez les singes, les chefs doivent mériter leurs privilèges. Pour avoir un accès prioritaire aux femelles, aux ressources alimentaires, et aux places à l’ombre… ils doivent se comporter en chef et en particulier démontrer leur capacité de courage et de prise de risque. Selon la primatologue Jane Goodall, un chef chimpanzé est d’abord un singe curieux et courageux. C’est au chef qu’il appartient d’explorer de nouveaux territoires, de nouvelles techniques pour s’alimenter et chasser. Ainsi, c’est le chef singe du groupe qui a testé un mécanisme nouveau pour se procurer des bananes qu’elle avait mis à la disposition du groupe. Le statut de chef est risqué, parce-que certaines de ses missions sont périlleuses notamment dans la défense de la tribu face aux prédateurs. Mais aussi parce que la position de chef est très convoitée, certains membres n’hésitent pas à créer des coalitions et parfois assassiner le chef gênant ! Le taux de mortalité chez les chefs singes est plus élevé que la moyenne. C’est pourquoi, ils bénéficient de privilèges. Nos cousins, eux-aussi, ont besoin d’être motivés.
Dans l’entreprise, certains dirigeants semblent avoir oublié que leurs privilèges étaient conditionnés par un certain nombre de devoirs et que le pouvoir se conjuguait avec le risque.
S’ils jouissent volontiers d’un bureau au dernier étage, avec moquette épaisse et canapé design, d’une voiture avec chauffeur, d’une femme top model et d’un salaire conséquent, ils refusent les aléas de la vie de chef. Ils semblent allergiques à toute prise de risque à titre personnel. A peine arrivés à la tête d’une entreprise, même si celle-ci jouit d’une santé enviable, ils négocient leur sortie, leur fameux parachute qui leur permettra de conserver leur train de vie quelle que soit l’évolution de l’entreprise y compris si celle-ci péréclite…
Autre règle du monde primate avec laquelle nous sommes en rupture :
plus les primates sont évolués, moins l’écart entre le train de vie des chefs et des subordonnés est grand.
Chez les macaques, la vie des subordonnées est rude. Les dominants s’accaparent toutes les ressources du groupe, femelles, nourriture. Et qu’un subordonné s’avise à les défier, c’est sa vie qui est en jeu.
Chez les chimpanzés, les dominants exercent surtout leur droit de priorité à la nourriture, en période de pénurie. Et même dans ce cas, ils se serrent un peu la ceinture, en solidarité avec leurs subordonnées. Ils ne peuvent pas s’accaparer toutes les richesses de la tribu. Ainsi ils ne s’approprient pas toutes les baies cueillies par un subalterne ; ils n’en prélèvent qu’une partie. Ils ne peuvent pas non plus revendiquer le bébé babouin chassé par un subordonné, celui-ci pourra déguster son trophée en toute quiétude. Moyennant quoi la mortalité chez les subordonnés chimpanzés est plus faible que chez les macaques.
Dans l’entreprise, il semblerait que certains chefs se conduisent en vrais macaques, puisque l’écart de train de vie entre les salariés et leurs dirigeants est très important et qu’il se creuse en situation de crise. Dans ces périodes difficiles, le chef atterrit en douceur avec son parachute alors que ses salariés prennent le choc de plein fouet.
Est-ce qu’un code de bonne conduite suffira à réduire l’injustice sociale ? Ou est-ce que celui-ci sera contourné comme c’est souvent le cas chez les humains ?