Récemment, j'écoutais Cyrulnik jouer le prophète sur France-Info. Il faut dire que c'était assez comique, l'individu décrivant une société post-crisique (au fait, crisique n'est pas synonyme de critique) revenue à des valeurs "traditionnelles" ; un salmigondis qui a eu au moins le mérite de bien me faire rire. Les prophètes adorent avoir eu raison avant tout le monde. Cyrulnik a donc fait valoir qu'il y avait 6 pages, dans le rapport Attali (auquel il a participé) sur la crise financière, et qu'à la sortie de ce rapport, on n'avait parlé que des taxis. Du coup, j'ai vérifié ce que le rapport disait vraiment sur la crise.
Je n'aime pas faire amende honorable, mais je dois reconnaître que le passage que je vais citer m'avait échappé :
Sous leur forme actuelle, les normes comptables et prudentielles contribuent à aggraver les crises financières en amplifiant la volatilité des cycles. La comptabilisation à la « fair value » privilégie une logique de court terme et peut devenir une source systémique de fragilité financière. La pierre angulaire du référentiel comptable actuel est la notion de fair value, c’est-à-dire l’évaluation d’un nombre très important d’éléments du bilan des entreprises selon les prix du marché (mark-to-market) ou à défaut selon une estimation de celui-ci. La comptabilisation à la fair value est adaptée à une gestion de court terme. Les managers sont ainsi incités à donner un poids prépondérant aux résultats financiers à court terme dans le pilotage des entreprises. Le biais court-termiste et financier de la gestion des entreprises est inéluctable. La fair value augmente ainsi la volatilité des comptes des entreprises, ce qui les incite à réagir avec plus de flexibilité à des chocs financiers en jouant sur les paramètres dont le management a la maîtrise, c’est-à-dire principalement l’emploi et l’investissement. Le principe de fair value peut donc exercer des effets procycliques sur l’économie. De plus, il implique une contrainte forte sur les entreprises, en particulier pour les moyennes et petites entreprises. Les normes IFRS sont donc une source systémique de fragilité financière. Cet effet est encore aggravé pour les établissements publiant des informations financières de façon trimestrielle, ce que les directives européennes et la réglementation AMF ont rendu obligatoire.
En ce qui concerne les banques, les ratios prudentiels qui leur sont imposés (Bâle II) ont pris en compte les craintes exprimées sur le financement des PME et la procyclicité. La directive européenne prévoit une clause d’examen spécifique sur ces deux points une fois le ratio effectivement et pleinement mis en oeuvre.
Sur Bâle II, je trouve le rapport peu dissert ; quelques précisions. En principe, dès lors que les banques suivent des règles de bonne gestion, les fonds propres des banques doivent représenter 8% au moins de ce qu'elles prêtent (je simplifie). C'est ce que l'on appelait jusque là le ratio Cooke. Mais une nouvelle norme est intervenue, le ratio McDonough qui intègre les risques de marché (fluctuations des prix des valeurs d'un portefeuille de titres) et les risques opérationnels (fraudes, pannes, et cetera). SAUF que :
ce ratio diminue de facto le ratio Cooke, puisqu'il est toujours égal à 8%. En fait, l'ex-ratio Cooke (les risques de crédit) ne correspond plus qu'àn 75% de ces 8% soit 6% ! Donc, en fait, même si les normes Bâle II sont plus transparentes que les normes Bâle I, de facto, elles aboutissent à minimiser les risques de crédit. De plus, en termes de risques de crédit, cette méthode ne fait pas de différences entre un emprunteur solvable et un emprunteur à risque. Or, considérons ce qu'il est produit pour les subprimes, et on comprend l'ampleur des risques qu'elle entraîne...