Voici le texte de la note du Conseil pour les questions familiales et
sociales de la Conférence des évêques de France, rendue publique hier, 8 octobre 2008, face à
la tourmente financière. A méditer et à mettre en oeuvre...
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"Au cœur de la crise : faire crédit, faire confiance
La crise que nous traversons témoigne de l’importance de la finance pour l’économie et la paix
sociale.
La financiarisation de l’économie a accéléré la mondialisation dont il serait injuste de dire qu’elle n’a que des
effets négatifs. Elle a facilité le transfert des richesses et des technologies. Elle a été un levier puissant pour des projets d’investissements dans des pays en voie de
développement.
Le marché libre, à condition de respecter certaines exigences, demeure sans doute l’instrument le plus efficace
pour utiliser les ressources et répondre aux besoins des hommes et des sociétés de façon efficace.
Mais la crise nous révèle nombre de conséquences négatives lorsque les logiques financières poussées à l’extrême
sont déconnectées de l’économie et ont pour seule fin la recherche d’un profit immédiat.
Nos sociétés sont ébranlées. Et comme toujours, en pareil cas, les plus pauvres sont les premières et bien
innocentes victimes.
Cette crise nous invite tous à nous interroger sur nos modes de vie, sur notre rapport à l’argent, sur nos
manières de faire fructifier notre épargne et de recourir au crédit.
Nous ne pouvons que saluer les efforts des gouvernements et des responsables politiques pour faire face à la
situation.
Il est essentiel que les mesures préconisées se donnent une autre fin que le seul maintien d’un système financier
qui a révélé ses faiblesses et leurs conséquences humaines.
Ceci ne pourra se faire :
- sans une coopération entre les Etats et naturellement pour nous en Europe,
- sans la mise en place d’institutions nationales et internationales efficaces d’organisation
des marchés financiers,
- sans se donner les moyens de réorienter nos économies pour qu’elles soient au service des
personnes et non du seul profit.
Ceci suppose une réflexion éthique et un engagement :
- pour que l’on s’interroge sur des pratiques spéculatives visant la rentabilité maximum à court
terme,
- pour que l’on revoie les systèmes de rémunération et de gratification des dirigeants
d’institutions financières surtout quand ils ont contribué à la crise ou pourraient en tirer profit de manière inconsidérée,
- pour que soient mis en place les moyens d’une plus grande traçabilité de l’argent et d’une
meilleure identification des risques,
- pour que l’économie développe un recours plus raisonné au crédit,
- pour que le marché financier, par des investissements socialement responsables, soit réorienté
au service d’une économie productive et modulée par les exigences environnementales.
La crise actuelle peut être l’occasion de resserrer notre lien social.
Quand la finance prétend être sa propre fin et n’est plus animée que par le désir exclusif du profit, elle perd la
tête.
Quand le souci de l’homme, de tout l’homme et de tous les hommes redevient prioritaire, la confiance
renait."
Les évêques du Conseil pour les questions familiales et sociales
+ Jean-Charles Descubes, archevêque de Rouen
+ Michel Dubost, évêque d’Evry
+ Michel Guyard, évêque du Havre
+ François Jacolin, évêque de Mende
+ Michel Pansard, évêque de Chartres
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PS : rappelons que l'attention de l'Eglise catholique et ses
interrogations sur le fonctionnement du système financier ne date pas d'aujourd'hui : en 2005 les évêques de la Commission sociale ont attiré l'attention sur les déséquilibres du système,
notamment sur la disjonction entre la finance et l'économie. Ils soulignaient, avec réalisme, que les marchés financiers, qui jouent un rôle essentiel dans le développement de l'économie,
devaient impérativement faire l'objet d'une régulation appropriée. Cette réflexion a été actualisée en mai 2008 avec le document intitulé « La face cachée de la crise financière ». Trois
séries de mesures étaient ainsi proposées : une meilleure réglementation des marchés financiers, des acteurs financiers recentrés sur l'économie réelle, des épargnants qui résistent aux
sirènes du rendement maximum.