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Auteur academy

Publié le 08 octobre 2008 par Joachim

Pour surmonter une crise d'inspiration, un cinéaste se réfugie au « Royaume », une secte, une communauté, un phalanstère (ou un espace métaphorique de la drogue, l’extase, l’expérience mystique, que sais-je encore). Au bout de l’expérience de régénération, il faudra tuer le gourou du « Royaume » pour parvenir à la libération suprême et revenir en combattant dans le monde réel.

Résumé officiel, programme tant esthétique que psychanalytique de De la guerre, le dernier film de Bertrand Bonello, pas son meilleur, mais ce que l’on aurait coutume d’appeler un « échec intéressant », échec presque inscrit à l’avance dans les prémisses dépressifs du film, mais intéressant car volontairement inégal et parfois inspiré.

Et pourtant, une autre interprétation du film vient tout gâcher.  

Et si "Le Royaume", c'était le cinéma français ? Le cinéma français avec son lot de "pères à tuer" (incarné ici par Michel -la plus belle filmo du cinéma français- Piccoli customisé en Kurtz-Brando hexagonal). Le cinéma français et sa proverbiale phobie du risque telle qu’il faut mener « en guerrier » les projets qui sortent des sentiers battus. Soit. Mais ensuite ? Incidemment, poser un tel état de fait, c’est demander : « A quoi ça sert de faire des films, quelle est leur nécessité absolue ? ». Or, la nécessité semble plutôt se situer du côté du nombril de Bonello. Comme pour Honoré, les arrière-pensées de politique politicienne viennent polluer la perception du film. Et comme chez lui, difficile de ne pas voir le film comme instrument pour conquérir (et surtout asseoir) une place au compagnonnage des auteurs. Tout autant que La belle personne, De la guerre ne transpire, au fond, que d’un seul sentiment tellement envahissant qu’il vient occulter tout le reste : vouloir devenir calife à la place du calife.

Mais tout cela ne serait pas si gênant si Bonello persévérait dans l’intense concision des meilleurs moments du Pornographe (2001) ou du court Cindy, the doll is mine(2005) et asseyait sa « place » sur l’assurance de son propre style. Or, sur quoi Bonello affirme-t-il désormais la soi-disant libération de son propre cinéma ? Rien de moins que sur un« refilmage » bien plat de séquences entières d’Apocalypse now (Francis Ford Coppola 1979), Tropical Malady (Apichatpong Weerasethakul 2004) ou Last days (Gus van Sant 2005). C’est donc ça un assaut contre le conformisme cinématographique ambiant, la (con)quête d’une neuve inspiration, une expérience de combattant de la beauté ? A ce petit jeu du "scene dropping", au vu de ces remakes cheap (la référence à Tropical malady, le face-à-face avec un fauve invisible étant assurément la plus casse-gueule : il ne suffit pas de coller des rugissements sur la bande son, encore faut-il faire exister le hors-champ), on a plutôt l’impression d’un cinéma délavé et appliqué, d’un cinéma karaoké.

Sale impression renforcée par un autre voisinage visuel. Où voit-on des jeunes gens enfermés dans une grande maison pour passer leur temps à apprendre à copier… et qui, quand ils ne jouissent pas (en braillant) se reposent (affalés sur le canapé du salon) ? Mais bien sûr, c'estlà et nulle part ailleurs, bien sûr...

Au cinéma ou à la télé, on chante et on danse en s'agenouillant devant le gourou.

D’où « film sur mon nombril » + « cinéma karaoké » = auteur academy…

D’où parmi la multitude de titres qu’aurait pu porter ce film tant chaque séquence veut faire un sort à chaque nouveau sujet abordé (« de la création », « de l’utopie », « du couple », « de la folie », « de l’abandon », « du corps et de l’esprit », « de l’héritage », « de la normalité », « de la difficulté à remplir une feuille de sécu quand on est un auteur »), le seul finalement approprié : « de la vanité » (d’un cinéaste).

Sinon, je n’en ai pas un souvenir très net, mais il me semble que Prenez garde à la sainte putain (Rainer Werner Fassbinder 1970) jouait carrément sur un amalgame autrement plus saisissant entre équipe de tournage et secte.... Labande-annoncepour se rafraichir la mémoire...


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