Les media et les politiciens de tous bords se sont empressés de dire que Lucerne était un canton particulier et qu'il ne fallait pas généraliser. D'ailleurs les Grands Conseils de six cantons
l'ont déjà approuvé furtivement, sans coup férir, c'est-à-dire sans que le peuple ne se soit prononcé : Vaud, le Jura, Neuchâtel, le Valais, Schaffouse et Glaris. La Conférence des
directeurs cantonaux de l'instruction publique (CDIP) ( ici ), qui n'est pourtant qu'un organisme consultatif, a décidé que le dit
concordat serait adopté dès que 10 cantons l'auraient approuvé. Encore un petit effort camarades et le tour de cochon étatique sera joué...En outre si le quorum de cantons approbateurs, fixé
technocratiquement, n'est pas atteint, il sera toujours temps d'imposer HarmoS par le haut, via une loi fédérale...
Certes des référendums ont été lancés dans 5 cantons : Thurgovie, Saint-Gall, les Grisons, Zurich qui voteront le 30 novembre prochain, et Nidwald, qui votera le 8 février 2009. Mais les
technocrates, les media et les politiciens, tentent de se rassurer et de rassurer leurs troupes. Ils pensent que Lucerne a rejeté le concordat en bloc pour la seule et unique
disposition, qui serait en opposition avec la mentalité spécifique de ce canton, la scolarité obligatoire dès 4 ans révolus, dans "un canton où seuls 37% des bambins fréquentent l'école dès
cet âge, contre 86% en moyenne suisse" (article de 24 Heures du 29.09.08 ici ). Ils incriminent particulièrement l'affiche (ci-dessus) du comité
référendaire où l'on voit des enfants pleurer parce qu'on veut les obliger à aller à l'école dès 4 ans.
Il est surprenant que l'UDC (voir son document sur HarmoS de mars 2008 ici ) soit la seule grande
formation politique bourgeoise à s'opposer à cette monstruosité, grosse de rejetons étatiques. Où sont passés les libéraux, les radicaux et les démocrates-chrétiens ? Mystère. En tout
cas HarmoS est caractérisé par ce qui fait la ringardise de l'héritage soixante-huitard : sous couvert de mobilité, qui a bon dos, il s'agit non pas d'harmoniser mais de faire passer
sous la coupe uniforme de l'Etat l'éducation des enfants, laquelle devrait pourtant, en priorité, être du ressort des parents. Ce dans la grande tradition socialiste qui est
de soustraire l'éducation des enfants aux parents, par définition jugés incompétents, et naturellement conservateurs, dès qu'il s'agit de leur progéniture.
Dans la vraie vie, les choses ne sont pas "harmonisées" au sens où l'entendent les promoteurs du concordat HarmoS. Entendez plutôt, derrière ce vocable dévoyé, le qualificatif
d'"uniformisées". Là encore la sémantique joue un rôle pernicieux. Le mot même d'harmonie suppose que des parties différentes s'accordent, vivent en bonne intelligence et respectent leurs
libertés d'agir. Le mot d'obligation associé à la pseudo-harmonie prônée dans HarmoS induit que les parties seront sounises aux mêmes contraintes, qu'elles seront bel et bien
uniformisées, quoiqu'en dise la CDIP pour sa défense. De même, dans la vraie vie, les structures ne sont pas les mêmes d'un lieu à l'autre. Il n'y existe qu'une solution : s'adapter aux
conditions et non pas tenter vainement d'adapter les conditions, en déni de réalité.
Avec HarmoS , désormais, l'école encadrera les enfants tous les jours de 7 heures à 18 heures. Ce ne sera pas encore obligatoire, mais cela le deviendra quand le pourcentage d'élèves
encadrés permettra de le justifier. A une époque où le modèle familial a changé, ce sera chose relativement aisée de caresser dans le sens du poil les parents tentés de démissionner de leur rôle.
Une "famille" monoparentale, ou une famille où les deux parents travaillents, sera encline, par lassitude, à se laisser déposséder de sa mission éducatrice. La CDIP a plus d'un
tour dans son sac : elle a, de son propre aveu, "plusieurs concordats en préparation". Le concordat est une formule juridique perfide qui a toutes ses préférences. Elle permet d'éviter que le
peuple ne se pose trop de questions, ou même, horresco referens, qu'il soit consulté.
Des propositions prévoient déjà que l'encadrement des enfants, dans les structures de jour, sera le monopole de spécialistes au bénéfice d'un diplôme et que son financement sera
assuré en fonction du revenu des parents, autrement dit que seront prévues l'exclusion des grands-parents par exemple, qui ne seraient pas qualifiés, selon les canons des
technocrates, et une redistribution des moyens, pudiquement baptisée "participation financière", ce dans la plus pure tradition socialiste. Déjà avec HarmoS la
scolarité sera d'une durée obligatoire de onze ans, durée suffisante pour façonner les jeunes esprits, à qui il sera possible de "parcourir ces degrés d'enseignement (NDFR : école
enfantine, cycle élémentaire et degré secondaire) plus ou moins rapidement, selon ses aptitudes et sa maturité personnelle" : il ne faut pas oublier que l'effort pour apprendre doit
être banni et que seul le bon plaisir d'apprendre est roi.
Pour le moment HarmoS s'avance plus ou moins masqué. Ne sont pas encore connus les standards en cours d'élaboration, qui pourraient être vraisemblablement fixés par la CDIP en juin
2009 : "Ces standards contraignants (NDFR : c'est moi qui souligne) porteront soit sur les compétences à acquérir (standards de performance), soit sur les contenus de
certains domaines de formation ou sur certaines conditions de réalisation de l'enseignement". Mais "les cantons (qui ratifieront le concordat HarmoS) s'engageront donc à faire en sorte
que tous leurs élèves atteignent les standards fixés. La CDIP vérifiera s'ils sont atteints sur le plan national". Comment appelle-t-on s'engager par avance sur quelque chose qui n'existe pas
encore ? Signer un blanc-seing.
Si aujourd'hui, à strictement parler, il n'y a pas mention dans HarmoS de la suppression des classes
spécialisées, de l'introduction d'un indice social, de l'organisation gymnasiale de longue durée, de l'enseignement dispensé par des maîtres de classe ou par des maîtres spécialistes, comme le
redoute l'UDC, il n'en demeure pas moins que la tendance impulsée par HarmoS sera d'aborder ces sujets, mis de côtés pour le moment, une fois le premier concordat conclu, en fabriquant
d'autres jolis petits condordats, tous plus contraignants les uns que les autres. Selon la technique bien connue du salami.
Francis Richard