Que les forces soient avec vous !
En sanscrit, « quatre forces » se dit « Chaturanga ». Le chiffre représentait les quatre armes des troupes de jadis : le char, la cavalerie, l’éléphant et l’infanterie. Selon une autre théorie, il s’agirait des quatre forces incarnées par les quatre armées elles-mêmes. Bien que son existence soit attestée dès le VI° siècle, ce jeu originaire d’Inde serait plus ancien encore, et dériverait de l’Ashtapada, jeu de poursuite du deuxième siècle. Le Chaturanga se jouait à quatre ou à deux, sur un plateau carré comptant soixante-quatre cases, avec des dés, et pouvait donner lieu à des paris.
Selon la légende, le Chaturanga fut inventé par le philosophe Sissa pour remédier à l’ennui du roi Bathait. Le souverain demanda à Sissa ce qu’il souhaitait pour récompense, à quoi le malicieux conseiller répondit : du blé. Il exigeait toutefois que ce dernier soit compté selon la règle de multiplication suivante : sur la première case de l’échiquier, 2 grains de blé ; sur la deuxième case, 4 grains ; sur la troisième, 16 grains et ainsi de suite. Le roi pria son intendant de faire le nécessaire. Le lendemain, le brave homme revint en disant au roi que toute la récolte du pays n’y suffirait pas. Il avait raison, puisque la demande de Sissa ne représentait rien moins que 18 446 744 073 709 551 615 grains ! Bathait était rusé, il dit à Sissa que sa demande serait exaucée s’il comptait lui-même les grains…
Au commencement, le jeu opposait quatre armées composée chacune de huit pièces (4 soldats, une tour, un cavalier, un éléphant et un roi ou « rajah »). Chaque joueur commandait une armée. Le jeu se jouait en paires, les armées alliées situées face à face. Son but était d´éliminer les deux rois des forces rivales. La part laissée au hasard était également présente avec le lancer de dés. La complexité des échanges dans l’appariement de quatre forces qui luttaient pour atteindre le même but semble être à l´origine d’une nouvelle variante du jeu, dans laquelle l´affrontement se jouait entre deux forces seulement, chacune d’elle voyant son corps doubler en nombre (deux chevaux, deux éléphants, deux tours et huit soldats). Le roi d´une des deux armées alliées originelles se serait transformé alors en Vizir ou conseiller dans cette nouvelle déclinaison, dont l’apparition serait liée à la conquête de l’Inde par les Perses de la dynastie Sassanide. Cette autre version n’utilisa plus les dés et s’appela Chatrang, un nom perse. On ne sait toutefois pas de manière définitive quelle variante a précédé l’autre.
Les règles du jeu dans la version opposant deux joueurs
Le Chaturanga oppose deux joueurs sur un plateau de 8x8. Toutes les cases sont uniformes. Il n’existe pas de pat*, si tel est le cas, le joueur qui ne peut bouger perd la partie. Comme au jeu d´échecs, chaque joueur dispose de 16 pièces : les mêmes qu´au jeu d´échecs, disposées de façon identique, mises à part les différences qui suivent:
> Au lieu des deux fous, il y a deux éléphants
> Au lieu d´une dame, il y aura un Vizir ou conseiller
> Le roi et le conseiller se situeront sur les cases centrales de la première rangée (comme aux échecs) mais le roi toujours à droite et le conseiller à gauche, quelle que soit la couleur des pièces.
Déplacements
Pion > mouvement identique au jeu d´échecs avec la particularité de ne pas pouvoir se déplacer de deux cases à son premier tour; il avance toujours d´une case en avant et capture d´une case en avant en diagonale.
Tour > mouvement identique au jeu d´échecs
Cavalier > mouvement identique au jeu d´échecs
Éléphant > mouvement en diagonale de seulement deux cases (pas une) vers l´avant ou vers l´arrière, en passant par-dessus de cases occupées par des pièces propres ou adverses
Vizir ou conseiller > mouvement en diagonale d´une case vers l´avant ou vers l´arrière
Roi ou Rajah > mouvement identique au roi du jeu d´échecs ; orthogonal et diagonal d´une case. Il peut, en plus au cours de la partie, réaliser une seule fois un mouvement en L comme un cavalier. Cette manoeuvre ne peut pas être réalisée si le roi est en échec. Il n´existe pas de roque.
Promotion
De la même façon qu´aux échecs, les pions peuvent être promus lorsqu’ils parviennent au bout de plateau. Ils ne se transforment pas en dame, mais sont échangés contre une pièce du type de celle qui occupait au début de la partie la case où le pion est arrivé. Il existe en outre une limite à cette règle : la pièce que le joueur choisit pour occuper le lieu du pion doit être avoir été capturée au préalable, de sorte qu’un joueur ne puisse jamais disposer de trois tours, trois chevaliers, trois éléphants ou deux conseillers.
Les règles du jeu de la version à quatre joueurs (chaturaji)
Le plateau est le même que pour la version deux joueurs. On joue par équipes de 2. Le partenaire est en face. Chaque joueur possède 4 pions : un éléphant, un cavalier, un roi et un bateau. On joue dans le sens des aiguilles d’une montre.
Déplacements
Le bateau évolue de deux cases en diagonale et passe par-dessus les pions. Si par hasard, il forme un carré parfait avec les 3 autres bateaux, il les capture tous. Cette manœuvre porte le nom de « triomphe du bateau ».Les autres pions bougent comme aux échecs. Le pion ne peut franchir deux cases au départ. À chaque tour, le joueur lance 2 dés. Selon la valeur du dé, il a le droit de bouger le pion correspondant. Il peut faire bouger deux fois le même pion comme ignorer un lancer de dés. On obtient ainsi : 2 pour le bateau, 3 pour le cavalier, 4 pour la tour, 5 pour le pion ou le roi. Un joueur qui a perdu son roi ne peut plus bouger jusqu’à ce que son partenaire capture un roi adverse. Il peut alors, une fois par partie uniquement, remettre en jeu son roi où bon lui semble.
Promotion
Les promotions sont complexes. Le pion est promu en pièce occupant la même colonne que lui au départ, en tenant également compte de la symétrie. Par exemple, si un pion arrive au bout de la colonne d’un bateau ou son symétrique par rapport au centre, alors il est promu en bateau. On peut également capturer les pièces de son partenaire sauf le roi. Il n y a pas d’échec, le roi peut être capturé par n’importe quel pion.
Rubedo
* Le pat désigne au jeu d’échecs une configuration dans laquelle un camp ayant le trait et n'étant pas sous le coup d'un échec, ne peut plus jouer sans mettre son propre roi en échec. La partie est alors déclarée nulle.
Sources et approfondissements sur
ccifrance.com/3
www.ludoteka.com/chaturanga-fr
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