Déjà, la cabine du bateau était vraiment bruyante, et pas très propre. Toi qui n'aimes pas quand je suis sale en rentrant le soir et qui supportes difficilement même les musiques les plus douces, ça t'aurait été un vrai cauchemard. Cela dit il y avait beaucoup de place, et c'était plutôt confortable, mais ce n'est pas le genre de détail qui t'importe j'ai remarqué. Non et puis ce n'était pas de tout repos. Ca aurait du, je sais, mais le voyage ne s'est pas vraiment passé comme prévu. Je n'ai pas arrêté de courir dans tous les sens, je ne sais pas comment tu aurais fait pour me suivre.
Non vraiment, heureusement que tu n'étais pas là.
Un jour, j'étais dans ma cabine, et une femme est entrée. Elle n'était pas grande, plutôt en bonnes formes, et sévèrement essouflée. J'ai vite compris qu'elle fuyait quelque chose, et qu'elle était effrayée par ma présence. Pour la rassurer, je lui ai montré où se cacher. La cabine était suffisamment grande pour trouver refuge dans plusieurs coins peu éclairés. Voyant que je ne voulais que l'aider, elle me suivit de bon gré, et bientôt ses poursuivants pénétrèrent dans ma cabine. Ils nous cherchèrent, mais en vain, j'étais bien trop futé pour eux. Mais nous ne pouvions pas rester indéfiniment au même endroit, jusqu'à ce que le bateau touche terre. Je décidai alors que nous devions nous enfuir.
Là encore, ça t'aurait été bien pénible.
Dès que ma loge fut désertée par les mécréants, je sortai de ma cachette pour emprunter un passage secret menant à la cabine de pilotage. Je l'avais repéré au début du séjour, en explorant les recoins de mon petit espace personnel. Il y avait plusieurs conduits menant à divers endroits du bateau, c'était comme si le destin les avait mis là dans l'espoir que je les remarque. Une fois devant la barre à roue, je m'assurai d'abord que je n'avais pas été vu. Puis, je bloquai la porte de la cabine afin d'être sûr que personne ne me surprendrait. Enfin, je m'emparai du boitier de commande des gaz pour le pousser progressivement à son maximum, et orientai le bateau vers un récif, bloquant la direction pour que le bâtiment ne dévie pas trop à cause du courant.
Et toi, tu te serais vraiment ennuyée.
Quand je revins dans la cabine, la femme était paniquée. Il y avait beaucoup de bruit qui lui parvenait de l'extérieur, et elle sursautait à chaque silhouette passant devant le hublot de la cabine. Je commençai par la rassurer, avant de l'inviter à me suivre aux canots de sauvetage. L'agitation qui régnait sur le pont nous offrit le meilleur des camouflages. Pour m'assurer qu'on ne pourrait pas nous suivre, je flottai toutes les petites embarcations de secours. La vitesse du bateau les fit rapidement disparaitre vers l'arrière. Puis, revenu auprès de la dernière chaloupe où la femme m'avait attendu, tétanisée, je l'aidai à monter à bord avant de la rejoindre et de nous envoyer sur les flots. Quelques secousses après, nous avions perdu toute vitesse et pouvions voir le bateau partir droit vers son dernier quai.
Tu imagines toutes cette eau salée sur ta peau délicate ?
Je ramai vers la plage et échouai le canot. D'abord sonnés, nous avons mis plusieurs minutes à nous remettre de notre aventure. Quand enfin il nous fut possible de nous asseoir, le moment était venu d'assister au naufrage. Mais avant même que celui-ci ne survienne, ma partenaire jeta ses bras autour de mon cou et m'embrassa. Surpris par cet assaut, je tombai à la renverse et elle en profita pour me chevaucher, sans jamais séparer nos lèvres. Je sentais ses seins rouler sur ma poitrine à mesure qu'elle se frottait contre ma jambe. Ce n'est qu'à ce moment que je devais remarquer sa tenue. Je passais ma main sous sa jupe pour me rendre compte qu'elle constituait le dernier rempart de sa pudeur. Mes caresses la firent frissonner, et j'étais moi-même assez ivre de désir pour ne plus sentir le sable se mêler à mes cheveux.
Il n'y a que ça, le sable, qui aurait pu te plaire, je ne sais pas.
De toutes façons, je ne pensais plus à rien d'autre qu'à elle. Sans même m'en rendre compte, j'avais du retirer ce qu'il me restait sur le corps. Et déjà, son bassin venait à la rencontre du mien, forçant nos corps à la connexion, et lui arrachant une exclamation de bonheur dans un mouvement de tête témoignant si bien de notre extase commune. Ce gémissement me laissa croire que je maîtrisais la situation, mais il n'en était rien. Et bientôt, je ne fis plus que subir cette incroyable chevauchée, sensuelle et passionnée, qui me porta jusqu'au confins de mon plaisir. Lorsqu'elle m'embrassa, m'accompagnant dans les derniers instants de notre union afin de nous les faire savourer au maximum, je sus qu'il n'en faudrait pas plus. Et je m'effondrais.
Si tu avais été là, tu aurais pu me renseigner.
Mais comme nous étions seuls au monde et que j'étais trop loin pour saisir les signaux de mes sens, je ne la vis pas partir. Quand je repris mes esprits, elle n'était plus là. Ne me restait plus d'elle qu'une jarretière, cette jarretière. Trop grande pour toi. Mais ce n'est pas important, tu n'as pas besoin de ça. Alors je me suis relevé, j'ai récupéré mes habits, posés en tas un peu plus loin, et je les ai secoués avant de les enfiler. Puis, j'ai escaladé une butte pour rejoindre la route. Par chance, il y avait un arrêt de bus pas trop loin, et je n'ai même pas du attendre trop longtemps avant qu'un d'entre eux ne passe par là.
Le voyage en bus, tu connais déjà, ça n'est pas passionnant.
Et enfin je suis là. Et je vais aller prendre une bonne douche, je suis plein de sable. Tu veux que je rajoute quelques grains à ta terre ? Ca te rappellera peut-être tes ancêtres qui vivaient dans le désert. Enfin je crois. Normalement, les cactus, c'est là que ça vit il me semble, non ? Bon, allez, j'y vais, et après je vais nous faire à manger, tu m'en diras des nouvelles. Non, juste du riz, mais du riz spécial. Du riz à la viande.
... histoire macabre qui s'est déroulée près de la petite ville de Naverd, sur la côte Lajevarde. Un bâteau de plaisance, avec à son bord pas moins d'une douzaine de personnes, a sombré la nuit dernière dans des circonstances inhabituelles. Les canots de sauvetage, embarcations indispensables en cas d'urgence, ont semble-t-il été relâchés sans occupants, avant le naufrage. L'un d'eux fut cependant retrouvé sur la plage de Sigole, et a manifestement permis à au moins deux personnes d'acoster. L'une d'elle a par ailleurs été retrouvée partiellement enterrée dans le sable. La police mène l'enquête pour tenter de reconstituer les évènements ayant conduit à un drame qui a coûté la vie d'au moins treize personnes. Un reportage signé Karima Nazrim, Francis Arable et Joseph Di Vangelo...