Aucun orateur ne dérange autant les dictatures du Moyen Orient. Il y a deux semaines, Littman était pris à
partie par l'ambassadeur d'Egypte en plein Conseil des Droits de l'Homme, après avoir suscité l'ire du Pakistan.
Ce courage ne lui est pas nouveau. En effet, en 1961, le jeune idéaliste qu'était Littman attérissait au Maroc où, à 27 ans, il devenait un agent sous couverture
afin d'aider des enfants juifs persécutés du royaume à rejoindre Israël.
Cette opération, baptisée "Mural" (le nom de code de Littman) avait été montée par le Mossad, les
services secrets israéliens. Et l'Institut accordait une grande attention au Maroc : il avait nommé Alex Gatmon comme chef de station à Casablanca. Gatmon était un espion parmi les
plus expérimentés du service. Au sommet, à Tel Aviv, "Mural" était supervisée par le numéro 2 du Mossad, Shmuel Toledano.
Pendant six mois, et au péril de sa vie, David Littman s'est fait passer pour un Anglais chrétien venu au Maroc promettre des vacances à des enfants défavorisés. Appuyé par sa
femme, Bat Ye'or, le jeune Anglais organisa la fuite clandestine de centaines d'enfants juifs. Ses contacts sur place, "Georges", un Français (en réalité Gad Shahar, katsa du Mossad en
poste à Paris) et "Jacques", un autre agent secret israélien, lui permirent d'accomplir sa mission au-delà de toutes espérances.
Grâce à son ingéniosité et son sens inné de la communication, l'agent "Mural" parvint à écarter un fonctionnaire marocain soupçonneux et permit à 530 enfants de rejoindre la
terre de leurs rêves. Le passeport collectif qu'inventa Littman pour sortir les enfants permit finalement au Mossad de négocier une émigration massive des Juifs marocains vers Israël.
Célébré en Israël 1986, puis en 2004 avec la présence du Ministre de la Défense israélien, David Littman a témoigné en 2006 dans un excellent documentaire diffusé
dans plus de quize pays.
En juin 2008, les époux Littman et tous les acteurs de l'opération ont été reçus dans la demeure du Président de l'Etat d'Israël, Shimon Pérès.
David Littman m'a envoyé le film de cette rencontre exceptionnelle, et je vous propose quelques captures d'écran.
Juin 2008, Jérusalem : le Président Shimon Pérès, visiblement impressionné, remercie David Littman pour son courage durant l'Opération Mural.
La famille Littman (Bat Ye'or, David et Ariane, leur fille) en discussion avec l'ambassadeur suisse en Israël. Durant l'Opération Mural, Bat Ye'or épaula son
mari en se faisant passer pour une Française catholique et antisioniste.
A gauche, Gad Shahar, alias "Georges", en discussion avec Pérès.
Katsa du Mossad résidant à Paris, Shahar s'installa au Maroc pour organiser
l'alya clandestine. Sa couverture était celle d'un vendeur d'engins agricoles. Durant toute la durée de la mission à Casablanca, il tint une correspondance prolifique avec des clients imaginaires
mais ne vendit pas une seule vis !
Shimon Pérès étreint la veuve d'Alex Gatmon, chef de station du Mossad à Casablanca. Maître espion de l'Institut, Gatmon (nom de code "Armin") avait été
nommé agent résident au Maroc en juillet 1960, à son retour d'Argentine où il avait capturé le dignitaire nazi Adolf Eichmann.
Littman et Pérès
David Littman plaisante avec le Président israélien
LIttman explique à Shimon Pérès ses péripéties lorsqu'il était sous couverture au Maroc. Afin de ne pas éveiller les soupçons par sa confession et son
prénom à connotation juive, Littman utilisait son deuxième nom (Gerald) et fréquentait assidûment l'église anglicane locale.
De gauche à droite : Littman, alias "Mural", le Président israélien Pérès et Shmuel Toledano, n-2 du Mossad et adjoint du légendaire directeur
Isser Harel.
"David Littman, c'était comme trouver le bon chapeau avec la bonne tête" a dit Toledano, l'un des dirigeants les plus influents de l'histoire du Mossad qui veilla sur les secrets
d'Israël pendant... vingt-trois ans ! (1953-1976)