Solitude (ceux qui...)

Publié le 08 octobre 2008 par Feuilly
Petit clin d'oeil à JL Kuffer, qui nous gratifie souvent sur son site de ce genre d'exercice.
Solitudes.
Ceux qui sont assis dans le fond de la classe et qui attendent que le cours se termine en regardant distraitement par la fenêtre.
Ceux qui savent qu’on les attend de pied ferme à la récré et qu’il n’y aura personne pour les défendre.
Ceux qui savent que ce soir à la maison, on mangera la même chose qu’hier.
Ceux qui savent que le père est parti et qu’il ne reviendra plus.
Ceux qui savent qu’il n’y a jamais personne à qui se confier.
Ceux qui savent où la mère s’en va tous les soirs dans sa belle robe.
Ceux qui pensent que dans une pareille situation, voler devrait être un peu permis.
Ceux qui ont été rejetés par le chef de la bande et qui restent là à arpenter les rues.
Ceux qui savent que les filles préfèreront toujours les autres.
Ceux qui savent qu’il vaut mieux ne rien dire quand le patron a décidé.
Ceux qui attendent que l’amour vienne à eux et qui attendent fort longtemps.
Ceux qui s’avancent dans les matins d’hiver pour consulter les offres d’emploi de l’Assedic.
Ceux qui savent qu’un boulot pareil ne rapporte pas grand chose.
Ceux qui épousent une aussi paumée qu’eux.
Ceux qui se demandent ce qu’il faut faire avec un bébé qui hurle.
Ceux qui ne comprennent pas pourquoi elle est partie après un an de mariage.
Ceux qui reprennent le chemin des Assedic puisque le patron les a virés.
Ceux qui s’ennuient la journée en regardant la télévision.
Ceux dont la télévision a rendu l’âme et qui ne peuvent pas en acheter une autre.
Ceux qui ne savent plus ce qu’ils attendent.
Ceux qui vont boire un verre histoire de voir du monde.
Ceux qui ne sont pas futés et qui ne comprennent pas qu’on leur propose un coup foireux.
Ceux qui se font pincer à leur première tentative de braquage.
Ceux qui n’aiment pas les gendarmes mais qui ne savent pas pourquoi.
Ceux qui ne comprennent rien à ce que raconte le juge du Tribunal.
Ceux qui se demandent ce qu’ils font dans cette prison où ils sont plus seuls que jamais.
Ceux qui regardent leurs draps et qui se demandent si on pourrait en faire une corde.
Ceux qui se retrouvent enterrés dans une ville qui n’est pas la leur.
Ceux qui n’ont jamais compris qu’une chose, c’est qu’ils ont toujours été seuls.