Le 13 octobre 1917 devait être pour Fatima la journée décisive. C’est pour ce jour, en effet,
que Lucie, Jacinthe et François, avaient annoncé que la Dame qu’ils étaient les seuls à voir, allaient : 1° dire qui elle était et ce qu’elle voulait ; 2° faire un miracle pour que tout le monde
croie à ses apparitions.
Ces prédictions étaient maintenant connues dans tout le pays. Et tous, croyants ou ricaneurs,
se félicitaient de cette galante et audacieuse prédiction, qui promettait un grand miracle pour un jour, une heure et un lieu déterminés d’avance. C’était un moyen facile et efficace de vérifier
la réalité de ces apparitions de Fatima. Aussi, le Portugal tout entier attendait-il, avec une compréhensible curiosité, cette épreuve concluante du 13 octobre 1917.
A mesure que grandissait l’enthousiasme de la foule pour les prodiges de Fatima, l’on voyait
aussi la libre-pensée s’agiter de plus en plus. Un jour, trois gendarmes à cheval se présentèrent chez les enfants. Après un interrogatoire insolent, ils se retirèrent en disant :
« Il vous faudra bien vous résoudre à révéler votre secret au sous-préfet, autrement il est
décidé à vous faire tuer ! »
« Quel bonheur, s’écria l’intrépide Jacinthe ! J’aime tant
Jésus et la Sainte Vierge : nous irons plus vite auprès d’eux ! »
D’autres visiteurs répandaient les plus sinistres rumeurs : qu’on allait citer au tribunal les enfants et leurs familles, parce qu’ils séduisaient le peuple ; qu’on allait
mettre des bombes près du chêne-vert, pour tout faire sauter, etc.
Ebranlés par toutes ces menaces, les parents de Jacinthe songèrent à
éloigner leurs enfants de Fatima. Mais ceux-ci refusèrent en disant : « Si l’on nous tue, cela
ne fait rien ! Nous irons plus vite au ciel ! »
Le 11 octobre, le Docteur Formigâo demanda aussi à Lucie : « Ne crains-tu pas
la colère du peuple, si le miracle annoncé pour le 13 octobre ne se produit pas ? »
-. « Non, répondit candidement la fillette, je n’ai aucune crainte à ce sujet !
»
Le lendemain 12 octobre, la mère de Lucie, très inquiète de ces rumeurs d’attentats, invita tout de même sa fille à venir avec elle se confesser pour être prêtes à toute
éventualité, au cas où le miracle ne se produirait pas. « Si vous voulez vous confessez, répondit paisiblement l’enfant, j’irai volontiers avec vous mais ce n’est pas que j’aie peur. Je suis
sûre que la Dame fera demain tout ce qu’elle a promis ! »Et devant la candide assurance de sa fille, la mère ne parla plus de confession !
Lucie, François et Jacinthe
Le matin même du 13 octobre, le grand journal libre penseur de Lisbonne, « O Seculo », publiait
sous la signature de son rédacteur en chef, Avelino d’Almeida, un article ironique sur les apparitions de Fatima, où il ne voyait que superstition et supercherie, tout en reconnaissant que le
clergé y gardait une attitude correcte : correcte « au moins en apparence », ajoutait-il malicieusement !
Mais aucune de ces manœuvres d’intimidation et de moquerie n’avait de prise
sur la foule. Dès la veille, 12 octobre, toutes les routes, tous les chemins de Fatima étaient déjà encombrés de voitures, de bicyclettes et d’une foule immense de pèlerins qui allaient passer la
nuit dehors, sur le lieu d’apparitions, et qui marchaient en récitant le chapelet et en chantant des cantiques. On eût dit une mobilisation générale des âmes, pour aller écouter le message que le
ciel apportait à la terre, et assister au miracle promis, qui devait authentifier ce message. Personne ne savait, d’ailleurs, en quoi consisterait ce miracle, mais chacun tenait à le voir de
près.
La foule à Fatima le 13 octobre 1917
La journée du samedi 13 octobre commença par une déception : dès le matin et contre toute
attente, le temps était pluvieux, triste et froid. On eût dit que le ciel voulait mettre à l’épreuve la foi et la dévotion des pèlerins, et leur faire mériter, par un rude sacrifice, l’honneur
d’assister au miracle annoncé. Mais le mauvais temps n’arrêtait nullement la foule qui affluait de partout, même des villes frontières du pays. Il n’y manquait même pas les représentants des
grands journaux et leurs photographes, pour enregistrer et publier les faits.
La pluie persistante avait transformé le lieu des apparitions, qui est un
bas-fond (une sorte de vaste cuvette entourée de collines, formant un magnifique amphithéâtre naturel), en un vaste bourbier ; et les assistants, pèlerins ou curieux, étaient trempés jusqu’aux os
et transis de froid. Un peu avant midi, certains observateurs ont pu estimer la foule à environ 70 000 personnes. Le Docteur J-M d’Ameida Garett, professeur à l’Université de Coimbra estima la
foule à plus de cent mille personnes.
La foule sous la pluie le 13 octobre 1917
La foule sous la pluie le 13 octobre 1917
Enfin, Lucie crie au peuple : « Il faut fermer les parapluies ».
Le peuple obéit, et sous une pluie battante, on récite le chapelet.
Tout à coup, Lucie à un léger sursaut et s’écrie : « Voilà l’éclair ! ». Puis, levant
la main, elle ajoute : « La voilà qui vient ! La voyez-vous ?... ».
« Regarde bien, ma fille ! Fais bien attention à ne pas te tromper
», lui recommande sa mère, qui, agenouillée à côté d’elle, se montre visiblement anxieuse sur l’issue de ce drame poignant ! Mais déjà Lucie ne l’entend plus, elle est saisie par l’extase
!
A la fin de l’apparition sur le chêne-vert, la Sainte-Vierge ouvrit les
mains, dont l’éclat se projeta vers le soleil. Instinctivement, Lucie s’écria : « Oh ! Regardez le soleil ! » Personne ne pensait au soleil, qui ne s’était pas montré de toute la matinée. Mais à l’exclamation de l’enfant, tout le monde leva la tête pour voir ce qui
se passait.
C’est alors qu’une foule innombrable pu contempler à loisir, pendant une
douzaine de minutes, un spectacle grandiose, stupéfiant et vraiment unique au monde !
Tout à coup, les nuages se déchirent largement, laissant voir une grande
surface du ciel bleu. Et dans ce vaste espace sans nuage, le soleil apparaît au zénith, mais avec un aspect étrange ! Aucun nuage ne le voile, et cependant, tout en étant brillant, il n’éblouit
pas et on peut le fixer à volonté ! Tout le monde contemple avec stupeur cette sorte d’éclipse d’un nouveau genre.
Soudain le soleil tremble, s’agite, fait des mouvements brusques et
finalement se met à tourner vertigineusement sur lui-même comme une roue de feu, lançant dans toutes les directions, comme un projecteur gigantesque, d’énormes faisceaux de lumière, tout à tour
verts, rouges, bleus, violets, etc. ; et colorant de la façon la plus fantastique les nuages, les arbres, les rochers, le sol, les habits et les visages de cette foule immense qui s’étend à perte
de vue ! Et pendant que la foule haletante contemple ce spectacle saisissant, les trois enfants voient apparaître à côté du soleil la Sainte Famille.
Au bout de quatre minutes environ, le soleil s’arrête. Un moment après, il
reprend une deuxième fois son mouvement fantastique et sa danse féerique de lumière et de couleurs, tel le plus grandiose feu d’artifice qui se puisse rêver. De nouveau, au bout de quelques
minutes, le soleil arrête sa danse prodigieuse comme pour laisser reposer les spectateurs.
Après une courte halte et pour la troisième fois, comme pour donner aux
assistants le loisir de bien contrôler les faits, le soleil reprend, plus varié et plus coloré que jamais, son fantastique feu d’artifice, sans doute le plus grandiose et le plus pathétique que
les hommes aient jamais pu contempler sur la terre.
Et pendant l’inoubliable douzaine de minutes que dure ce spectacle unique et
saisissant, cette foule innombrable est là en suspens, immobile, extatique, presque sans respirer, contemplant ce drame poignant, qui fut aperçu distinctement à plus de 40 kilomètres à la ronde :
L’illustre poète portugais, Dr Alfonso Lopes Vieira, témoigna l’avoir vu à 10 lieues de Fatima, alors qu’il ne s’y attendait nullement.
C’était le « grand miracle » promis qui se réalisait exactement au jour, à
l’heure et à l’endroit désignés d’avance, et qui devait « obliger » les hommes à croire à la réalité des apparitions et à obéir au message que Notre-Dame du Rosaire leur apportait du ciel !
La vue de ce prodige inouï avait déjà bien disposé les cœurs et excité en
eux les plus nobles sentiments religieux de foi vive en la puissance de Dieu, d’adoration sincère de sa Majesté infinie et de confiance absolue dans les célestes messages de Fatima, si
magnifiquement confirmé ! Mais tout cela n’était encore, pour ainsi dire, qu’une préparation au renouvellement des âmes !
C’est la chute vertigineuse du soleil qui fut le point culminant du grand
prodige, le moment le plus pathétique et le plus divinement poignant, qui acheva de rapprocher complètement de Dieu toutes ces âmes, par un acte sincère de contrition et d’amour.
En effet, au milieu de sa danse « effarante » de feu et de couleurs, telle
une roue gigantesque qui à force de tourner se serait dévissée, voici que le soleil se détache du firmament et, tombant de côté et d’autre, se précipite en zigzag sur la foule atterrée, irradiant
une chaleur de plus en plus intense (témoignage du Dr Domingos Pinto Coelho : non seulement on voyait le soleil tomber du ciel, mais on sentait l’augmentation progressive de la chaleur avec
l’approche du soleil, ce qui sécha vite les habits trempés des spectateurs), et donnant à tous les assistants l’impression nette de la fin du monde prédite dans l’Evangile, où le soleil et les
astres se précipiteront en désordre sur la terre !
Alors, de cette foule épouvantée, s’échappe soudain un cri formidable, une
clameur intense, traduisant la terreur religieuse des âmes qui se préparent sérieusement à la mort, en confessant leur foi et en demandant à Dieu pardon pour leurs péchés. « Je crois en Dieu
le Père Tout-Puissant » s’écrient les uns. « Je vous salue Marie ! », s’exclament les autres. « Mon Dieu, miséricorde ! », implore le grand nombre. Et d’un seul mouvement,
tombant à genoux sur ce sol transformé en un bourbier de terre glaise, les spectateurs récitent, d’une voix entrecoupée de sanglots, le plus sincère acte de contrition qui soit jamais sorti de
leur cœur !
Enfin, s’arrêtant tout à coup dans sa chute vertigineuse, le soleil remonte
à sa place en zigzaguant comme il en était descendu. Les gens se relèvent visiblement soulagés et chantent ensemble le Credo !
Qui décrira l’émotion de toute cette foule ? Un vieillard, jusque là
incroyant, agite les bras en criant : « Vierge Sainte ! Vierge Bénie !... » Et tout en larmes, les bras tendus vers le ciel comme un prophète, le ravissement visible dans tout son être,
il crie de toutes ses forces : « Vierge du Rosaire, sauvez le Portugal !... » Et de tous côtés se déroulent des scènes analogues.
Le 13 Octobre 1917 une foule de près de 100 000
personnes
Détail émouvant : cette scène apocalyptique, tout de majesté et de terreur puissantes, finit
par un cadeau délicat qui trahit la tendresse maternelle du Cœur de Marie envers ses enfants. Alors que tout le monde était trempé jusqu’aux os, chacun à la douce surprise à ce moment de se
sentir à l’aise et de trouver ses habits absolument secs (ce fait merveilleux, déjà authentique dans le procès canonique officiel, est aussi confirmé par l’académicien Marques da Cruz, qui fit
une enquête personnelle à ce sujet. Par ailleurs, personne ne se sentait mal à l’aise, ni de l’émotion, ni d’être resté si longtemps mouillé. Il y eut même une guérison d’une femme tuberculeuse,
qui était restée de longues heures toute trempée.
(à suivre)
Mgr Jacques MASSON