Pleurs et sourires de chasseur de têtes

Publié le 08 octobre 2008 par Claire Romanet

Ah, vous croyez que c’est facile vous, une journée de recruteur. Vous dites ? On a le beau rôle, planqués derrière notre bureau, à écouter, questionner, juger les pauvres demandeurs d’emploi stressés qui sont face à nous ?
Et bien non ! Ne vous méprenez pas. Ce n’est pas du tout comme ça que cela se passe.
D’abord (petite piqûre de rappel utile), NOUS NE SOMMES PAS DES JUGES, notre boulot est de mettre en adéquation une personne avec un poste. On a tout intérêt, tout comme les candidats, à ce que les rencontres soient positives et constructives.
Ensuite, notre quotidien a, lui aussi, son petit lot de désagréments (bon d’accord, parler de pleurs est peut-être un peu exagéré) et de surprises (les sourires ? ça oui).
Exemple-type d’une journée. Hier en l’occurrence.
Elle commence plutôt bien puisque, au milieu d’un planning coloré de toutes les impératives choses à faire d’ici le soir, apparaît une petite tranche horaire, blanche, toute vide, sans indication. Ah, super, j’applique les règles de la gestion du temps que j’enseigne en formation ! Très fière de mon planning je suis.
Et la journée commence :
- La gestion des mails qu’on se distribue, et auxquels nous mettons énormément de temps à répondre. Oui, c’est vrai, on n’est pas très rapides, mais c’est normal, puisque pour faire une réponse personnalisée, il nous faut étudier en détail chaque candidature. Et on répond à tous, même les demandes en alternance (pardonnez-leur seigneur, ils sont jeunes ils ne savent pas que les cabinets de recrutement ne sont missionnés que sur des CDI demandant, au minimum, 2 ans d’expérience).
- Les appels téléphoniques entrants : « Avez-vous bien reçu ma candidature ? » Et comment on fait pour vous envoyer un dossier ? » « Quoi, vous ne faites pas d’intérim ? ». No comment.
- Les debriefings des tests passés par deux de nos short-listés. En général, nos interlocuteurs sont très heureux qu’on leur explique les résultats, même si, transparence oblige, on évoque, avec le plus de diplomatie possible, aussi des points qui peuvent leur déplaire.
- Les appels téléphoniques sortants, c'est-à-dire les premiers entretiens téléphoniques avec les candidats sélectionnés sur la dizaine de postes que nous avons à pourvoir.
Et c’est là que les déconvenues commencent…
- Exemple : un profil tout à fait en adéquation avec notre recherche, aussi bien en termes d’objectif professionnel décrit que de discours… On écoute, on écoute, mais surtout on se dit « trop super ! » et paf, à la question du salaire, on se rend compte qu’on ne pourra pas le faire avancer. Allez hop, un de moins. Ce n’est que le premier de la journée dans la longue liste de ceux avec qui nous échangeons, sans succès (pour les mauvaises langues, sachez que c’est aussi souvent parce que les candidats ne sont pas intéressés que parce qu’ils ne correspondent pas à notre recherche).
- Autre exemple : la candidate qui annule son RV avec notre client, au dernier moment. En envoyant un mail directement au client en plus, sans même prendre la peine de nous avertir nous ! Alors qu’on a passé 3 heures avec elle, en entretiens téléphoniques et face à face, et qu’on pensait avoir instauré une relation de confiance. Aïe ! On se dit, zut on a loupé un truc, on a mal fait notre job et on est un tantinet vexés. Et ensuite on se raisonne pour conclure que non, il y a aussi des personnes qui ont un sens de la correction différent du nôtre (c’est gentiment dit non ?).
- Nouvelle déconvenue : l’erreur de casting. Lorsque, après avoir identifié et chassé la personne qu’on croit en adéquation avec notre recherche, on se rend compte qu’on parle à un homonyme, qui ne connaît rien au métier sur lequel on l’attend. Ah, ça énerve ça.
- Ou encore : la tête de liste qui nous explique qu’elle retire sa candidature parce qu’elle vient de dire oui ailleurs (sur ce coup-là, on n’est pas trop surpris car notre client, qui l’avoue lui-même, a trop tardé pour faire un choix). Bon, là, on sort le mouchoir parce que, pour nous, c’est comme repartir à zéro.
Il faut une bonne dose de moral pour faire notre job n’est-ce pas ?
Effectivement, pour être chasseur de têtes, il faut des qualités indéniables qui sont très proches des critères recherchés pour des fonctions commerciales : entrain, dynamisme, sens du contact, abnégation, créativité et… endurance !
Heureusement, il y a aussi de bons moments qui égayent notre quotidien, quand on rigole autour de la théière (oui, on est plus thé que café chez Elaee), quand on reçoit des petits mots gentils de la part des candidats tout étonnés qu’on leur ait fait une réponse, quand une nouvelle mission nous arrive par le biais d’une recommandation (ça on adore !), ou bien (encore mieux !) quand nous tombent dessus les remerciements, en même temps, d’un client et du collaborateur qu’il a embauché grâce à nous !