Encore un de ces textes du soir rédigés à partir des mots imposés des membres de
notre petit groupe: yak, bonnet, orge, trou de balle ( !!! ), calice, chocolat, pont, baies roses, camouflage, groupe, mule verte.
Tensing Poche est un jeune garçon de 15 ans. Il habite dans un petit village ladakhi où pendant trois mois dans l’année il participe aux semailles et aux récoltes. Récoltes qui vont le
nourrir ensuite lui et sa famille pendant les 9 longs mois d’hiver où ils vivront ensemble, serrés dans la même petite pièce pour se tenir chaud, sous la lumière radiante du soleil d’hiver et
dans la fumée acre de la combustion des bouses de yak. Mais Tensing Poche n’a pas l’âme d’un fermier, il veut voyager et voir du pays, il veut être un horse man. Bien sûr, tout le monde se
moquerait de lui s’il racontait ses rêves, mais chaque matin de ce mois de juillet, quand il enfile son bonnet old fashion pour se protéger du soleil, il pense à l’histoire de la mule verte que
l’on se racontait en mangeant la soupe d’orge lors des veillées des fameux longs mois d’hiver. Cette mule magique infatigable qui vit dans les montagnes et qui attend celui qui saura la trouver
pour le rendre heureux. Et un matin, n’y tenant plus, il quitte discrètement le petit cocon douillet familial, une barre de chocolat donnée par un trekkeur de passage dans la poche, pour partir à
sa recherche.
Il ne se retourne pas quand il passe le petit pont suspendu au dessus de la rivière grossie par les dernières pluies pour gagner les montagnes toutes proches. De la mule verte, il ne sait pas grand-chose sinon qu’elle se nourrit exclusivement de baies roses et que la couleur verte de sa robe lui sert de tenue de camouflage dans les grandes prairies. Mais ce qu’il en a déduit aussi, parce que Tensing Poche est très malin, c’est que pour faire du vert, il faut du jaune et du bleu et que ces couleurs de robe seront beaucoup plus facilement repérables, les couleurs des parents de la mule magique.
Il marche ainsi de longues journées, sans se décourager, armé de sa seule volonté et de sa foi en l’existence de l’animal magique, croisant sur son chemin des groupes de mules sauvages violettes, roses, noires, grises et brunes mais pas celles qu’il cherche. Il endure la faim, se nourrissant de racines et de champignons, d’herbes et de baies et il voit doucement approcher la fin de l’été avec inquiétude. Impossible pour lui de revenir chez lui sans la mule, il serait déshonoré.
Mais un matin, alors qu’il n’y croyait plus et commençait à céder au découragement, il aperçoit un reflet jaune dans la prairie située sur le massif montagneux loin devant lui. Il avance pour se rapprocher et il distingue alors quelque chose de bleu sous un arbre. Le cœur battant, il s’approche encore et là il aperçoit enfin la mule verte magique occupée à manger de délicieuses baies roses sur un petit arbuste. Il a enfin trouvé la mule magique, qui elle semble toutefois beaucoup moins enthousiaste :
« Calice, tu m’as trouvée ! Moi qui croyais être à l’abri dans ce Zanskar si petit qu’il ressemble au trou de balle du monde. C’est vraiment pas de chance, finies les vacances… »
Et bien que pratiquant un langage bien châtié, ce que ne mentionnait pas la légende, elle rendit bien Tensing Poche, devenue Tensing le voyageur, heureux.