Quelle sera la pérennité des effets des programmes de performance opérationnelle (ou plans de productivité) des Banques ?

Publié le 07 octobre 2008 par Sia Conseil

Envoyer Imprimer Newsletter 7 octobre 2008

Les programmes de performance opérationnelle ou plans de productivité : une tendance forte

L’amélioration du coefficient d’exploitation par l’optimisation de la conduite des opérations est une préoccupation récurrente des Banques.

Elle revient plus particulièrement sur le devant de la scène dans les périodes où la croissance du PNB est amenée à se ralentir.

Aujourd’hui, les établissements bancaires tant en France qu’à l’International s’engagent dans des programmes de performance opérationnelle de grande envergure. Leur objectif est d’influer significativement sur le coefficient d’exploitation à des horizons de 3 ou 4 ans (plus de 3% de gains par rapport à un scénario de base où la croissance des frais généraux se poursuivrait à un rythme identique à celui des dernières années). Des plans de ce type avaient  déjà été planifiés dans les plus grands établissements dès la fin 2006 / début 2007 et les évènements récents du secteur ont renforcé la tendance initiale.

Ces nouveaux plans « de productivité », de « performance » ou « d’excellence » se caractérisent par une orientation résolument opérationnelle. Les actions qui les composent portent sur la mise en œuvre des processus, la rationalisation des infrastructures (immobilières, informatiques…) et de leur gestion, l’évolution des organisations en incluant éventuellement des délocalisations, la recherche d’effets de taille… Elles ne remettent pas en cause les principes de la relation client ou la gamme de produits mais se limitent strictement aux opérations.

Des vagues de productivité de ce type avaient déjà été menées fin 90-début 2000 pour amener les CoEx des établissements français majeurs à se stabiliser durablement en dessous de la barre des 70%. Ces plans de productivité ont couvert les domaines classiques (centralisation de certaines activités, mise en commun et rationalisation des achats…). Il est à noter que ces programmes ont parfois fortement reposé sur le levier technologique (rationalisation des infrastructures télécoms et informatiques, dématérialisation, mise en place des nouveaux canaux de distribution…) avec plus ou moins de succès.

Aujourd’hui, pour atteindre les objectifs que les grands groupes se sont fixés, quelques programmes clés ne suffiront pas. En effet, dans la majorité des établissements, les processus de production ont connu un développement globalement maîtrisé et ont été régulièrement améliorés dans les années précédentes. La mobilisation des gains attendus va nécessiter de multiplier les actions. Le périmètre de ces plans de productivité sera donc large : il portera sur toutes les fonctions de l’entreprise et les transversalités ne devront pas être négligées.

Gains attendus des programmes de performance

Notre estimation des gains potentiels de ces programmes aboutit à une prévision d’économie de l’ordre de 5 milliards d’euros sur trois ans, en cumulé, pour l’ensemble des banques françaises [1]. Les gains potentiels sont donc très importants pour chaque Groupe. Nous estimons ceux-ci à environ 1 milliard d’euros pour les plus grands groupes français.

Bien entendu, les gains ne seront pas les mêmes pour l’ensemble des Banques. Ils ne sont pas proportionnels au PNB ou aux frais généraux mais dépendent des activités et de la structure des Banques. Ainsi, nous estimons que les activités de Banque de détail à l’international, Banque de détail en France et les services financiers spécialisés devraient être des sources d’économies beaucoup plus importantes que les BFI ou les Securities.

Par ailleurs, les gains ne doivent pas seulement être appréhendés Banque par Banque mais également sous l’angle de la coopération entre établissements car la mise en place « d’usines » communes sera une source de gains très importante comme le confirme le mouvement qui est déjà largement initié (usine monétique SG – Banque Postale, Usine Titre SG – Unicrédito…).

Quelle pérennité pour les gains issus des programmes de performance ?

Les plans de productivité actuels ont en général des objectifs à un horizon de 3 ou 4 ans. Ce délai est nécessaire pour mener une identification suffisamment poussée des gisements de gains, définir et mettre en œuvre les actions puis constater les premiers effets sur 1 à 2 ans. Les gains devront donc nécessairement pouvoir être obtenus à court terme. Qu’en est-il alors des gains à plus long terme ? Les actions engagées permettront-elles d’assurer la pérennité des gains et de stabiliser les coefficients d’exploitation des différentes activités de manière durable ?

Pour que les gains générés par le plan de productivité perdurent au delà de cet horizon, plusieurs points devront être considérés. Tout d’abord, ils ne devront pas être réalisés au détriment des besoins à moyen terme qui exigeraient une croissance plus soutenue des frais au delà de l’horizon du plan de productivité (effet de « rattrapage », voir point 1 de l’encadré suivant). Pour ce faire, le business plan doit être pris en compte afin de cibler l’action en fonction de la croissance attendue des différentes activités (cf. point 2). Les dynamiques d’évolution des opérations ou les dynamiques projets doivent être identifiées et préservées (3). Les dynamiques « naturelles », telle que la pyramide des âges, peuvent aussi être exploitées pour certaines activités (4). Enfin, de même que certaines dynamiques à court et moyen terme sont à prendre en compte, il convient également de préserver (voire développer) les fondements des dynamiques à long terme (fonction d’organisation ou de qualité, diverses missions transverses, MOA et cellules d’urbanisme de domaines…) qui pourraient ensuite être des contributrices actives de l’amélioration continue (5).

Illustration de quelques pièges handicapant le maintien des gains au delà de l’horizon du plan de productivité

(1) Non prise en compte des besoins à moyen terme :
Il ne s’agit pas de reculer des projets nécessaires à terme, ni de réduire ou stabiliser certains effectifs qui, in fine, ne pourront soutenir les évolutions de charge. Il est parfois préférable d’anticiper le renouvellement de certains systèmes ou d’accompagner progressivement des montées en charge plutôt que d’avoir à faire face à des effets de rattrapage ultérieurs.

(2) Prise en compte insuffisante de l’évolution du business :
Des arbitrages significatifs ne peuvent être réalisés sur une activité qui va être amenée à se développer. Des réductions de coûts constatées dans le court terme généreraient ensuite un surcoût lors de la montée en puissance ou du développement de cette activité. Le plan de productivité doit également aider à la réalisation du business plan de l’établissement.

(3) Rupture des dynamiques d’évolution :
Si de grandes organisations temporaires ont été créées pour gérer des évolutions consécutives (par exemple des migrations informatiques régulières sur des consolidations de systèmes régionaux), mieux vaut chercher à les alimenter tant qu’elles sont en place. Avoir à les arrêter momentanément et perdre les compétences les constituant - alors qu’elles seront toujours nécessaires à moyen terme - serait fortement handicapant même si cela aurait un double effet positif sur le RBE (pas de prise en compte d’évolution à court terme et réduction des charges fixes). Il en est de même pour tous les projets ou programmes d’évolution performants. Ils ne doivent pas être brisés dans leur élan par des arbitrages périphériques ou des modifications importantes de périmètre, auquel cas les délais et donc les coûts de ces programmes pourraient en être significativement impactés.

(4) Sous exploitation des dynamiques naturelles :
Les pyramides des âges, turnover, évolutions de carrière, sont à prendre en compte dans la mesure où elles peuvent aider à mener des redéploiements d’effectifs tant en interne qu’en externe. Cela constitue alors pour certaines activités (Back Offices notamment) une réelle opportunité d’évolution vers plus d’automatisation.

(5) Impacts collatéraux sur les structures de l’amélioration continue :
Ce serait une erreur de supprimer certaines fonctions transverses sous prétexte qu’un niveau suffisant a été atteint et qu’elles entrent dans une phase de maintien de leurs résultats. Les résultats obtenus restent souvent fragiles et elles pourraient ensuite avoir un rôle majeur à jouer dans la préservation des bénéfices du plan de productivité.

  

Garantir le caractère durable des gains escomptés n’est pas chose aisée. Cependant, le plan de productivité n’aura pas de réelle valeur ajoutée sans cette dimension.

Les établissements qui lanceront des programmes, même tardifs, en sachant éviter ces écueils, auront en fait généré un réel avantage compétitif, même si d’autres pourront constater plus tôt une évolution positive de leurs coefficients d’exploitation.

Le plan de productivité, s’il se limite à l’atteinte des objectifs couramment énoncés (impact minimal sur le RBE à 3 ou 4 ans) n’apportera pas une valeur durable à la Banque. Bien qu’un potentiel de gain soit présent (cf. partie précédente), l’apport réel à la valeur des Banques dépendra pour beaucoup de la nature des actions retenues et de la conduite de ces programmes.

Sia Conseil


[1]Cf. reprises presses publiées dans un article précédent sur ce même blog

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