Un changement d'opinion

Publié le 23 juin 2006 par Pierre Gonzva

Quand un analyste financier publie un changement d'opinion sur une valeur, l'impact sur les cours peut être significatif, d'autant plus que l'analyste est influent.
Y a-t-il matière à changement d'opinion, d'un point de vue global, sur les marchés financiers ?
Les forces à l'oeuvre depuis 3 ans perdent de leur allant. L'environnement monétaire accomodant et la croissance économique mondiale ont favorisé la hausse de presque toutes les classes d'actifs ainsi que la diminution corrélative de l'aversion au risque.
Mais maintenant, les banques centrales serrent les cordons. Certains responsables de la FED disent qu'il vaut mieux se tromper par excès de rigueur que par défaut, les faucons de la BCE prennent l'avantage et préparent un train de hausse; la BOJ a stoppé l'inondation quantitative et annonce la fin prochaine de la ZIRP (zéro interest rate policy). Quand à la Banque centrale chinoise, à force de prendre des décisions visant à freiner la croissance galopante des crédits et de la masse monétaire, elle arrivera à du résultat, pas trop brutal on l'espère.
Avec une inflation qui reste faible, la fin de la surliquidité mondiale se traduit par un ralentissement économique et/ou une baisse du prix des actifs. Quel est le délai entre le resserrement monétaire et son impact économique ? On sera peut-être bientôt en position de l'évaluer. Les réactions des marchés boursiers des dernières semaines donnent une première indication. L'aversion au risque s'est considérablement renforcée, avec une hausse très sensible des volatilités implicites, une sous performance des titres à faible liquidité par rapport aux grandes valeurs, des marchés émergents par rapport aux grandes places, un élargissement des spreads de crédit, un affaiblissement de nombreuses devises, un retour de bâton brutal sur les commodities. Sur ce dernier point, la SocGen a publié un graphe très parlant, en superposant la courbe du Nasdaq et celle de l'indice CRB, avec un décalage de 6 ans.
Pour autant, faut-il tout vendre ? Certainement pas, je ne suis pas un perma bear.
Réfléchissons différement : les raisonnements qui ont expliqué le comportement des marchés ces dernières années sont en train de changer. C'est le propre des situations de changement d'équilibre. Là où la logique impliquait une hausse, essayons de deviner les raisons qui feront baisser. Les mêmes données peuvent rentrer dans la black box du marché, et en sortir maintenant d'un autre côté. Humilité face aux certitudes que l'on croyait établies, sensibilité plus fine à ce qui cause des renversements sur les marchés, sont plus que jamais des postures à tenir.
Alors, un changement d'opinion ? Peut-être plus profond qu'on ne le croit.