Bien le bonjour,
Bou! Qu’elle est pas belle la viande mijotée quatre plombes dans le viseur de notre appareil photo. C’est que, voyez-vous, ces plats carnés en sauce et à cuisson interminable, s’ils procurent une volupté majuscule à ceux qui les grignotent, s’avèrent résolument peu photogéniques. Moches comme une planche de manuel de dermatologie. Même David Hamilton louperait la photo d’une nymphette après plusieurs heures de bain bouillonnant. Toute fripée, qu’elle serait la pauvre gamine.
Bref, tout ça pour nous excuser du faible sex-appeal de l’image de ces pourtant glorieuses joues de bœufs mijotées à la guinness et au poivre long. Recette inspirée des exquises carbonades flamandes à la bière. Et parfumée d’un poivre récemment débarqué sur notre plan de travail, le poivre long, d’origine javanaise ou himalayenne selon les textes, dont les scotchants arômes de cannelle et de réglisse vous titillent aimablement les naseaux et embaument la marmite d’un fumet ébouriffant.
Pour deux bouches à table, prévoyez donc 500 grammes de joues de bœuf, six chatons de poivre long, une canette de guinness, une grosse échalote, une gousse d’ail, un bon fond de veau, une grosse carotte, un poireau, quatre petites patates à robe rose (roseval ou cousine chromatique), deux tomates charnues et quatre carrés de chocolat noir. Emplettes qui n'ont rien de dispendieuses, ce qui est cool en ces heures de spleen financier. Ne me remerciez pas. Nous sommes tous des subprimes criseux.
Tranchez les joues en deux, faites les bronzer au fond d’une cocotte. Sel, poivre. Réservez. Faites blondir l’ail et l’échalote hachés. Ajoutez la viande, le chocolat, une joyeuse pincée de paprika, la carotte et la moitié du blanc de poireau émincés. Plus le poivre long, préalablement caché dans une boule à thé. Mouillez le tout de deux cuillères à soupe de fond de veau et de guinness (deux bons décis au bas mot). Couvrez. Laissez glouglouter trois heures.
Entre-temps, vous aurez tout loisir de peler les patates et de les émincer en petits cubes. De peler, épépiner et émincer les tomates. Et de tailler de jolies virgules avec le bout de poireau restant.
Au bout de trois plombes donc, extrayez la viande de son jacuzzi. Mixez puis faites réduire le jus pour qu’il offre une texture seyante. Réintégrez les joues, avec les pommes de terre. Rectifiez l’assaisonnement. Cinq minutes avant le service, ajoutez tomates et poireau dans ce bain de jouvence.
Voilà: les joues sont confites, le jus onctueux et odoriférant, les légumes ravissants. Tout le monde, il est content.
Surtout si l’on dégaine une bouteille de Cahors pleine de santé. Ce Lamartine 2004 par exemple qui, avec son nez cacaoté et épicé, sa chair ferme mais fraîche, pince les bonnes joues du bœuf en rigolant.
Tchou!