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Le Livre des Rabinovitch

Par Nicolas S.
Ah la la. La rentrée, tout ça. Pas facile de terminer un roman, même un bon roman.
Le Livre des Rabinovitch de Philippe BLASBAND a été publié au Castor Astral en 1998, il y a dix ans déjà. Il n'est donc pas question d'actualité littéraire, ni d'un de ces éditeurs qui font chaque année le hold-up sur les prix de l'automne.
Ce roman est en fait un recueil de portraits. Portraits de soi et portraits croisés à l'intérieur d'une même famille : celle des Rabinovitch. L'auteur nous donne l'arbre généalogique à la première page, et nous prévient : ce livre a été trouvé, « C'est un grand livre, recouvert d'une jaquette en cuir (...) Les photographies qui précèdent chaque texte ont été reproduites correctement, mais sans luxe » Celui qui a composé ce livre, c'est Ernest, frère de Max, cousin d'Ali, fils de Nathan, petit-fils d'Elie, descendant de Zalman et Léa. Les portraits sont tous à la première personne, mais c'est Ernest qui les écrit. Parce qu'il va mourir et qu'il veut sauvegarder la mémoire de sa famille.
Ernest fait dire à son père Nathan, dans le portrait qui lui est consacré : « Les Rabinovitch ne cessent de ressasser leur légende familiale. A mon adolescence, petit à petit, me fut transmise la structure de cette histoire mythique : mon grand-père qui devient fou, se bat contre les Polonais et déclenche un pogrom ; tante Rifka, communiste, morte d'épuisement à Auschwitz ; tante Sarah, trop belle pour plaire aux hommes ; oncle Arié, héros sans peur ni reproche ; sa fille Martine, schizophrène ; Yossi, l'enfant du kibboutz - très perturbé ! le ménager ! - toute une geste, toute une chronique absurde et parcellaire. Les trous sont remplis par des mensonges. Les mensonges concurrencent la vérité. Les versions s'opposent et fusionnent. »
Philippe Blasband accomplit ici avec brio une série de volte-faces stylistiques, passant d'un portrait de patriarche mourant à un portrait de jeune femme rebelle, d'un jeune homme tourmenté à une "mère juive". L'identité juive, il en est bien sûr question ici. Les identités juives. Le tabou de la shoah, mêlé aux instincts protectionnistes qui en découlent à l'intérieur même de la famille. Le regard du groupe social, totalement étranger à cet album de famille.
La structure du roman est originale, mais à mon avis pas très limpide. Philippe Blasband garde pour l'avant-dernier portrait une information qui aurait facilité la compréhension de l'ensemble, à savoir que c'est Ernest qui écrit tout du long, empruntant les voix de sa famille. L'écriture en elle-même est talentueuse et variée. Le rapport à l'histoire à travers cette généalogie familiale m'a rappelé la lecture du Tambour de Günter Grass, ce qui n'est pas rien. Ce roman restera donc un bon souvenir de lecture, quoiqu'un peu austère. Je regrette de ne pas l'avoir lu assez vite car j'ai eu le temps de me lasser. Il manque peut-être un vrai fil conducteur, que la simple succession ne remplace pas.
205 pages, coll. "Escales du Nord" (éd. Le Castor Astral) - 14,25 €
Merci aux éditions du Castor Astral de m'avoir envoyé ce livre gracieusement.

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