Il y a les œuvres mémorables, et les autres...
A la mort de Paul Newman, je fus triste, comme beaucoup. Mais plus encore par la filmographie sélectionnée par les chroniqueurs en charge de sa nécrologie. A quoi sert d’avoir été un brillant acteur et un modèle d’engagement politique si c’est pour qu’on n’inscrive qu’en fin de colonne (lorsqu’ils ne sont pas carrément ignorés) les merveilleux Luke la main froide ou La chatte sur un toit brûlant, loin derrière les amusants mais beaucoup plus négligeables L’Arnaque ou la Couleur de l’argent.
Et ce n’est rien lorsque l’on pense que ces incultes scribouillards n’ont guère fait mention des Aventures de Bob Hughes, curiosité de la bande dessinée pornographique dont il n’y aurait probablement pas grand-chose à sauver si cette étoile au regard océan n’y apparaissait pas dans son plus beau costume. Heureusement, les archéologues nécrophages d’Aaapoum Bapoum sont là. Grâce à eux, il ne vous en coûtera que dix euros le rare ouvrage, désormais tout autant utilitaire que mausolée grotesque de l’une des grandes icônes du vingtième siècle.
Enfin, après avoir bien rigolé pour peu de frais, voire une petite excitation si vraiment vous êtes un peu pervers, vous pourrez poussez la promenade de quelques rues et vous arrêtez à la Filmothèque du Quartier latin pour voir l’un des rares films réalisés par Newman, De l’influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites. Une magnifique entreprise artistique et familiale dans laquelle le réalisateur décrit la misère sociale américaine tout en scrutant amoureusement sa femme et sa fille. Le plus beau film vu depuis bien longtemps, et la preuve éclatante que l’étrange douceur de son regard bleu n’était pas un artifice esthétique, mais le reflet sincère d’un esprit généreux et sensible.