Pierre Assouline a lu Que reste-t-il de la culture française ? de Don Morrison, suivi de Le souci de la grandeur d’Antoine Compagnon, chez Denoël. Don Morrison s’était fait connaître à la fin de l’année dernière par son article titré (malgré lui) The Death of French Culture paru dans l’édition européenne du Time.
Dans le numéro d’octobre du Magazine Littéraire, les deux auteurs reprennent le débat qui, avouons-le, n’est pas le lamento qu’on aurait pu craindre. Au-delà des préjugés qui traînent ici et là, j’avais relevé une partie de la réponse de Don Morrison à la dernière question de l’entretien « A votre avis, comment refaire de la France un géant culturel ? » (traduction : pour que sa littérature s'exporte aux Etats-Unis) : « trouver le moyen de profiter de l’effervescence culturelle qui existe aux marges de la société, quand elle émane d’iconoclastes en colère qui portent un nouveau regard sur les choses, ou de minorités aspirant à se faire entendre ».
D’abord, je ne crois pas qu’il faille être en colère pour écrire bien ; bien sûr, ça peut servir de carburant, mais laissons cela aux amers épigones de Céline.
Ensuite, je crois qu’on a trop tendance à attendre de toute littérature étrangère qu’elle nous confirme les préjugés que nous avons de l’étranger. De là que ce qui s’exporte d'abord le mieux n’est pas ce qui se fait de mieux. Ce qui marche, c’est le décor en carton-pâte, le phénomène de société tellement « sujet de livre » que le roman qui en est tiré est pire que ces films « d’après une histoire vraie ». Rappelons aussi que les singularités littéraires mettent du temps à faire accepter leurs différences, et encore plus à s’exporter. On a un peu l’impression que Don Morrison veut lire du Faïza Guène (flinguée ce mois-ci à la Kalachnikov de Chronic’Art dans la désormais célèbre série « Les 7 plaies du roman français » ; André Schiffrin en a aussi dit le plus grand bien en une réplique culte dimanche dernier au festival America). Et cette manie de juger un livre sur son succès commercial !