Un théorème important de l’algèbre indique qu’une équation polynomiale de degré n (n entier ≥ 1) à coefficients réels possède au plus n solutions : une équation de degré 1 possède au plus une solution ; une équation de degré 2 possède au plus deux solutions, etc.
Dans le cas réel qui seul nous concernera ici, une équation de degré 2 possède donc au plus 2 solutions différentes.
Souvenez-vous, pour l’équation ax² + bx + c = 0, les racines
sont données par :
x' = (-b + √Δ)/2a ; x" = (-b - √Δ)/2a
où Δ = b² - 4ac
Pourtant, voici une exception à cette règle. Considérons trois nombres réels a, b et c fixés et deux à deux distincts
(si vous le souhaitez, prenez a = 1, b = 2, c = 3). Analysons l’équation suivante :
[(x − a)(x − b)]/[(c − a)(c − b)]+ [(x − b)(x − c)]/[(a − b)(a − c)]+[ (x − a)(x − c)]/[(b− a)(b − c)] = 1
C’est une équation de degré 2 en l’inconnue x car c’est une somme, chaque terme étant un polynôme de degré 2.
Le nombre a est solution de l’équation car, quand on remplace x par a, le premier terme s’annule, de même que le troisième, alors que le second prend la valeur 1. Notons qu’aucun dénominateur ne s’annule, nous respectons bien les règles de calcul qu’impose ce genre de manipulations.
Le nombre b et le nombre c, pour des raisons analogues, sont aussi solutions de cette équation qui possède donc trois solutions. Puisque a, b et c ont été supposés distincts, nous avons donc une équation du degré 2 possédant 3 solutions différentes.
Est-ce la trace d’un paradoxe au coeur de l’algèbre élémentaire, et faut-il entreprendre le rappel des millions de livres de mathématiques qui mentionnent l’énoncé du théorème fondamental de l’algèbre ?
Ou bien y a t-il une petite erreur quelque part ?
Extrait de :
Paradoxes par Jean-Paul Delahaye