Trop de la chance...

Par Pandora

-   Salut maman

-   Bonjour Philaster, tu rentres déjà ?

-   Ouaip.

-   Tu ne vois pas Ambrelune ce soir ?

-   Non.

Je le regarde qui se sert un verre de lait de soja (le lait de vache est hors de prix depuis que la majeure partie des récoltes sert à fabriquer le bioéthanol plutôt que de la nourriture) comme quand il avait 10 ans…

-   Vous vous êtes disputés ?

-   Non maman, on n’est plus ensemble, c’est tout.

Plus ensemble ! Ces deux là étaient collés l’un à l’autre plus étroitement que saturne et ses anneaux, ce n’était tout simplement pas possible.

-   Mais hier encore, vous étiez là à rire ensemble…

-   Hier, c’était hier !

Dans le genre réponse laconique, Philaster tient incontestablement de son père…

-   Mais que s’est-il donc passé de si grave, vous vous êtes disputés ?

-   On a vu qu’on n’était pas faits l’un pour l’autre, c’est tout.

-   Mais vous êtes tellement complices… enfin bon je sais que je me mêle peut-être de ce qui ne me regarde pas.

Philaster se ressert un verre en me regardant d’un air goguenard :

-   Tu t’occupes TOUJOURS de ce qui ne te regarde pas maman…

-   Ce n’est absolument pas vrai. Mais là vraiment, je ne comprends pas…

Il me regarde en hésitant, peut-être va-t-il enfin me la cracher, sa valda. Allez fiston, dis-tout à ta mère …

-   … C’est parce qu’elle va déménager à l’autre bout de la ville….

-   Et ?

-   Alors, elle sera beaucoup trop loin de chez nous. Maman, si vous aviez les moyens de me payer un éthylo-scooter, nous pourrions rester ensemble, mais là, ça n’est pas possible.

-   Un éthylo-scooter ? Pourquoi pas un jerrican d’essence tant que tu y es ? Tu sais bien que nous n’en avons pas les moyens même si nous aimerions te l’offrir. Ce genre de chose est devenu hors de prix depuis la grande crise pétrolière de 2018. Et de toute façon, tu sais combien coûte le litre de bioéthanol ? Comment te le paieras-tu ?

-   Je sais bien maman… Mais c’est à plus de deux heures en électro tramway et je ne pourrai pas faire tout ce trajet à roto-mollette pour aller la voir. Elle encore moins. Notre histoire n’a pas d’avenir. Il vaut mieux que nous nous séparions avant de trop nous attacher l’un à l’autre. Quand je pense que quand tu as rencontré papa, il venait te chercher en voiture. Une vraie voiture à essence. Vous aviez vraiment trop de la chance…

Il me lance un dernier regard et sort de la pièce d’un air désolé.

Trop de la chance ? Oui. Peut-être…

Nous n’en avions simplement pas conscience.


[Exercice d'écriture pour samedi défi sur le thème d'un futur sans essence]