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Le Grand Cirque Maxime Pipeau

Publié le 04 octobre 2008 par H16

Avec une activité chargée ces derniers jours, un week-end en goguette et beaucoup de choses à faire toutes en même temps, je n'ai guère eu le temps et le courage pour mettre à jour ce blog. Il faut se faire une raison : bloguer prend du temps. Et quand Le Grand Cirque Maxime Pipeau est dans la ville, avec en exclusivité planétaire une représentation mondiale exceptionnelle, il devient difficile de lever les yeux du spectacle, de prendre un peu de recul, et de commenter...

Car en effet, le Grand Cirque Maxime Pipeau a déployé son chapiteau et programme, tous les jours, toutes les heures presque, de nouveaux spectacles tous plus extraordinaires les uns que les autres.

Aux bêtes curieuses et autres monstres terribles se succèdent les cracheurs de feu et musiciens saltimbanques, magiciens aux prouesses prestidigitatrices remarquables et autres acrobates de la finance en culotte courte.

Le Grand Cirque Maxime Pipeau

Et hop !

Et, à bien y réfléchir, il vaut mieux en rire qu'en pleurer ; si l'on devait verser des larmes aux nouvelles qui déboulent tous les jours maintenant, les pays européens, en plus d'être dans une mouise bancaire bien gluante, se verraient inondés par les pleurs fournis de leurs populations. En outre, le Grand Cirque Maxime Pipeau est réputé pour son aspect plutôt comique, ce serait dès lors dommage de bouder son plaisir.

On pourra tout au plus lui reprocher de n'avoir pas beaucoup renouvelé ses spectacles d'ouverture ; ainsi, comme il y a près de vingt ans avec "Les Salades Pompent La Radioactivité aux Frontières", le Grand Cirque Maxime Pipeau nous offre en début de séance une version mise au goût du jour avec "La Crise Bancaire, C'est Pas Pour Nous". Là où, il y a vingt ans, la frontière constituait un rempart efficace contre les émanations radioactives de Tchernobyl, le spectacle actuel mise tout sur l'excellente régulation mise en place pour garder les actifs toxiques hors de nos comptes. Gaston Christine Lagaffrde le dit d'ailleurs très clairement : Nous avons toutes les raisons de penser (...) que le système est solide. Le spectacle passe d'ailleurs assez vite à une démonstration de contorsionnistes assez habiles, puisqu'il s'agit pour François Courage-Fillon d'osciller de façon totalement synchrone entre la position confuse de la Marquise et celle, pas plus claire, de son patron dont les chassés-croisés ressemblent de plus en plus à une danse rituelle primitive sensée calmer les dieux par de vigoureux déhanchements chaloupés.

Et pendant que les artistes sous les feux de la rampe nous fournissent un florilège de positions acrobatiques, les musiciens de l'arrière-salle s'en donnent à cœur-joie : comme, on le sent bien, il va s'agir très probablement d'un spectacle comme il n'en arrive qu'une fois dans le siècle, autant ne pas être du côté des trapézistes quand le filet sera parti et les trapèzes savonnés. Pour cela, il faudra montrer bruyamment son désaccord, quitte à jouer une partition très différente des musiques habituelles. Le chef d'orchestre, Coppé, agit donc de façon parfaitement logique en se lançant dans un Punk-Rock dévastateur alors que nos élites gouvernementales sont résolument calées sur une socabada humide à laquelle, en tant que spectateur, on a de plus en plus de mal à adhérer.

Et pendant que le numéro comique des As de la Finance en Slip ne convainc pas vraiment en cette période où, finalement, tout semble partir en sucette, le Cirque Maxime Pipeau continue avec un numéro de lancer de couteaux en aveugle présenté par une ribambelle de clowns fardés de couleurs pétantes. Dans ce spectacle, il s'agira donc de fustiger tant qu'on pourra le système en faisant porter le chapeau à la liberté d'agir, tout en portant un bandeau opaque sur les yeux permettant de nier avec ferveur la récession française et les contractions violentes de madame PIB - poussez madame, poussez - pour laquelle l'accouchement d'une crise majeure ne semble plus évitable.

A ce sujet, on peut s'étonner que la presse embrasse avec ferveur les analyses de l'antilibéral Sarko lorsqu'il tape sur le capitalisme devenu fou, mais le jugent bien moins pertinent lorsque son gouvernement prétend qu'il n'y a pas récession. En toute cohérence, il faudrait ou bien mettre en doute les visions étatoïdes du président en même temps que ses discours lénifiants, ou, a contrario, tout gober... Mais c'est là une caractéristique des artistes du Cirque Maxime Pipeau : l'Analyse à Géométrie Variable des clowns Pipo & Bimbo forme, avec le grand show du Deux Poids Deux Mesures, un pilier inaltérable du spectacle, une des mamelles de l'entertainment colbertiste qu'il nous propose ces derniers jours.

Le Grand Cirque Maxime Pipeau

Humour et déconnanse

A peine le numéro de couteaux achevé sous les vivats de la foule, on évacue le(s) cadavre(s), on nettoie le sang et les tripes de la piste lumineuse, et on enchaîne sur un numéro quasi-mimé de Royal Ségo, manifestement débutante dans le domaine; dans un show faussement basé sur la sobriété, la saltimbanque nous entraîne dans un monde étrange et décalé : en marge d'une réalité pourtant pas trop rose, elle nous brosse le portrait d'une société plus sombre encore où, apparemment, 20% des étudiants sont sous le seuil de pauvreté, 40% de salariés vont manger dans les "Restos du Cœur", et en appelle dans le même discours à un interventionnisme d'état poussé et vigoureux. On peut s'étonner qu'elle ne remarque pas que si un tel chiffre (pour le moment surévalué ... pour le moment) est atteint, c'est précisément parce que l'état fait mal son travail : jusqu'à preuve du contraire, la distribution de repas chaud de cette association n'est pas le fait de l'état. Le Grand Cirque Maxime Pipeau nous avait habitué à mieux, mais on sent que, pour lui aussi, la crise est passée : le stock de clowns experts et de mimes comiques semble s'épuiser.

Non, décidément, le spectacle offert n'est pas à la hauteur du chèque : les Américains avaient pourtant payé leurs tickets 700 milliards, ce qui, même en ces temps où le trillion est l'unité de base, ne se classe pas encore dans la petite monnaie. Eh oui, 700 milliards par ci, 300 milliards par là et assez rapidement, on commence à vraiment parler d'argent. Quant aux Européens, la facture ne sera pas moins salée, pour un show qui sent la resucée... de la saison 1873 à côté de laquelle la crise de 29 fait figure de parcours de santé ; et même si l'on ne regarde pas plus loin que 1929, l'analyse en profondeur des causes de la crise actuelle ne laisse guère de doutes sur les responsables, et sur l'issue bien sombre vers laquelle on se dirige.

Le chapiteau a été monté. Les représentations vont continuer à être données encore quelques jours, je pense. Il y a fort à parier que les numéros vont se succéder au même rythme d'enfer que ce flamboyant départ, masquant cependant mal la vacuité des ébats et des agitations politiques qu'on nous présente comme de l'action.

Une fois le Cirque parti, dans un an ou deux, il restera un champ de foire, déserté, plein de détritus et de papiers gras.

Qui, d'après vous, nettoiera ?


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