Vous n'allez pas me croire. J'ai été tagué par mon compère de Kiwis, Pierre Catalan. Je dois dire que ce "défi" tombe plutôt bien. Cela fait quelques jours que j'étudie avec minutie la réaction de l'entité Europe face à la crise financière. Pierre ne m'en voudra donc pas de troquer les "4 priorités à mettre en oeuvre pour le futur de l'Europe" pour une réflexion globale sur l'attitude européenne dans la tempête.
Face aux secousses importées d'Outre Atlantique, l'Europe ne s'est pas préparée. Trop confiante en ses capacités à passer entre les gouttes. Il y a quelques semaines, souvenez vous de Mme Lagarde qui dissertait au bon vouloir de chacun sur la solidité du système Européen. Raté. Depuis cette période, il faut avouer que le spectacle européen est inquiétant. Nous avons à faire à une véritable dissolution du bloc Europe au profit de stratégies de défenses d'intérêts nationaux. La Belgique ne se porte pas bien, l'Espagne est en crise immobilière, l'Angleterre nationalise mais, rassurez vous, les fondamentaux des banques françaises sont rassurants et devraient nous permettre de ne pas mettre honteusement la main au portefeuille. Le transfert progressif du traitement de cette crise du niveau européen au niveau national s'est précisé après plusieurs épisodes discrets mais profonds. Peu à peu, l'Europe s'est effritée, frappée en son sein par ce qui en fait pourtant toute sa richesse. Sa diversité.
Diversité économique tout d'abord. Quoi que l'on en dise, les systèmes diffèrent de pays en pays. Au delà même des systèmes, les potentiels d'actions des Etats sont pluriels, indexés qu'ils sont sur les performances économiques antérieurs et l'état des finances publiques. C'est ainsi que l'Irlande a pu briller par son individualisme dans la gestion de la (sa) crise. Jeudi dernier, Brian Cowen assurait devant l'Europe KO debout, la garantie étatique des dépôts des 6 plus grandes banques nationales pour un montant total de 400 Milliards d'Euros, les 2/3 des montants mobilisés aux Etats Unis par le Plan Paulson et rien de moins que le double du PIB Irlandais. Que ce soit par panique ou par opportunisme réfléchi, l'Irlande a sauvé ses marrons du feu plaçant de facto ses établissements au dessus du marché et de tout soupçons de faillite en chaîne. En la matière, il serait donc étonnant que ces actes ne soient pas jugés à posteriori par l'Union qui pourrait y voir là une grave atteinte aux principes concurrentiels qui fondent l'UE... Même continent, autre pays, la France se creuse la tête pour trouver des bien hypothétiques garanties et ses dirigeants semblent prier tous les Dieux pour éviter d'avoir à mettre trop souvent la main à la poche. Même semaine, même endroit. Des propos pas très étonnant lorsque l'on connaît la fibre européenne du bonhomme. Henri Guaino se questionne sur le bien fondé des critères de Maastricht dans un tel contexte de crise. Oui Gauino, lui, le conseiller du Président français, actuel Président de l'Union Européenne propose ouvertement de revenir sur les traités qui font le fondement de l'Union. Un retour en 1992 pour corriger une erreur ? Que manque il de plus à une crise politique au sein de l'Union ?
Malheureusement, je n'entrevois guère d'issues communes efficaces pour que l'Europe se sorte elle même du faussé dans lequel elle végète. A terme, ses Etats membres l'y aideront sans nul doute... l'inverse en revanche reste très hypothétique. Pourquoi ?
D'abord parceque cette crise sonne avant tout le retour de l'Etat dans le système économique pour désamorçer le "too big to fail". Et il ne vous aura pas échappé que l'Europe ne dispose pas de gouvernance commune capable de décider, par l'intermediaire d'une loi, la mise en place d'un plan tentaculaire destiné à sortir les titres pourris du marché et à débloquer ainsi le marché inter bancaire. Ce marché figé par la peur de voir arriver le virus dans les bilans des banques. De par cette faiblesse de gouvernance centralisée et souple, l'Europe se trouve considérablement alourdie lorsque la crise nécessite des actions rapides, mesurées et concertées. Ensuite parce que la gravité du phénomène pousse les pays à se protéger, se refermer et à trouver des solutions nationales aux problèmes nationaux. Moi avant les autres ensuite. En la matière, l'Irlande fait figure de parfait exemple. Enfin, une fois n'est pas coutume, la locomotive franco-allemande de l'Union ne cache pas ses divergences dans le traitement de cette crise financière, notamment à travers le prisme de cet hypothétique création d'un fond de soutien de 300 Milliards.
Non Pierre, ce ne sont pas quatre projets qu'il faut étudier pour l'Union mais il devient urgent en revanche de se questionner profondément et sérieusement à propos de tous les principes qui sont les nôtres. Car cette crise remet au centre du jeu la notion d'interventionnisme au moment où l'Union n'a pas su (ou n'a pas pu) se doter d'une force de frappe fédérale et centralisée sachant faire la synthèse de tous les courants Européens.