Traditionnellement, les Banques sont astreintes à un devoir de conseil à l'égard de leurs clients.
Elles engagent leur responsabilité lorsqu'elles manquent à cette obligation.
De nombreuses procédures judiciaires sont engagées à ce titre à l'encontre des établissements de crédit.
Une récente décision, rendue le 18 septembre 2008 par la 1ère Chambre Civile de la Cour de Cassation (pourvoi n° 07/17270) apporte des précisions intéressantes quant à l'étendue de cette obligation.
Cette décision indique que les Banque doivent mettre en garde leurs clients non avertis au regard non seulement des " charges du prêt " mais aussi de leurs capacités financières et du risque de l'endettement né de l'octroi du prêt.
Au regard de cet arrêt, il est manifeste que, pour la Cour de Cassation, les Banques sont dorénavant tenues d'informer par écrit leurs clients profanes (et eux seuls) des risques immédiats mais également futurs, susceptibles d'être encourus du fait de l'opération envisagée.
Ainsi, à titre d'exemple, dans l'hypothèse d'un prêt immobilier à taux variable dont les échéances augmenteraient fortement, la Banque doit désormais pouvoir justifier avoir mis en garde par écrit l'emprunteur quant aux risques encourus, faute de quoi sa responsabilité sera susceptible d'être engagée.
Le texte complet de cette décision est le suivant :
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1147 du code civil ;
Attendu que la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Quercy Rouergue aux droits de laquelle se trouve la Caisse régionale de crédit agricole mutuel Nord Midi-Pyrénées (le Crédit agricole) a consenti, par acte notarié du 30 janvier 1996, un prêt de 129 581, 66 euros à M. et Mme X... (les emprunteurs), qui envisageaient de créer un village de vacances et étaient entrés en relations à cet effet avec la société Construction espace habitat (CEH) dont M. Y... était le gérant de fait ; que, le 31 janvier 1996, le compte des époux X... a été débité de la somme de 38 112, 25 euros au profit de la société CEH à la suite de la présentation de deux lettres de change ; que les emprunteurs ont recherché la responsabilité du Crédit agricole ;
Attendu que pour limiter l'indemnisation de ceux-ci à la somme de 38 112, 25 euros, montant des effets de commerce précités, la cour d'appel a retenu que les époux X... ne sauraient sérieusement reprocher au Crédit agricole, dès lors qu'ils envisageaient de se lancer dans une activité commerciale a priori rentable nécessitant un déblocage immédiat de fonds et que les charges de l'emprunt n'étaient pas excessives au regard de leurs situation personnelle et des revenus susceptibles d'être générés par cette activité, d'avoir commis une faute en leur octroyant un crédit manifestement disproportionné à leurs capacités de remboursement, l'arrêt ajoutant que les emprunteurs ne pouvaient exiger du Crédit agricole une information plus étendue que celle d'avoir attiré leur attention sur les charges du prêt ;
Qu'en se déterminant ainsi sans préciser si M. et Mme X... étaient des emprunteurs non avertis et, dans l'affirmative, si conformément au devoir de mise en garde dont il était tenu à leur égard lors de la conclusion du contrat, le Crédit agricole justifiait avoir satisfait à cette obligation au regard non seulement des " charges du prêt " mais aussi de leurs capacités financières et du risque de l'endettement né de l'octroi du prêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mai 2007, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux.
De nombreuses actions en responsabilité risquent d'être engagées sur le fondement de cette décision...
Yann Gré - Avocat à la Cour, tous droits réservés.