Car, le lendemain, chahuté à l’arrière du pick-up qui, tant bien que mal, remontait la piste aux trois quart défoncée qui longeait le fleuve jusqu’à Ventiane, songeant au personnage d’un des romans de Jade, appelé à fausser compagnie aux services secrets de l’ancienne Union Soviétique dans un des pays de l’ancienne Indochine (le Laos, comme par hasard !) mais piégé, comme un débutant, par le balbutiement sensuel d’une jeune thaïlandaise croisée, un soir d’impatience, dans un bar de Saigon, convaincu, soudain, que Maud avait délibérément profité de mon absence pour manigancer la publication posthume de l’Arabesque des printemps, ni plus ni moins, et par là même relancer la polémique sur le statut véritable de ces textes, leur rapport subtil et ambivalent à une certaine forme de réalité, n’ayant de cesse d’interroger du regard l’échancrure voluptueuse du chemisier de ma voisine, puis l’ondulation soyeuse de ses cheveux, puis la courbe veloutée de l’épaule qu’elle consentait à m’accorder, puis le silence fatigué de ses lèvres, m’est venue à l’idée, peu à peu, que rien dans le monde n’arrive jamais tout à fait par hasard (ou du moins qu’il nous plait de le croire) et qu’il y avait, peut-être, quelque raison secrète, moins innocente qu’il n’y paraissait, à la brusque apparition de cette journaliste italienne, la veille au soir, puis au fait qu’elle se débarrasse, beaucoup plus vite que je ne pouvais l’espérer, de toute espèce de pudeur et de retenue, tant et si bien qu’il m’était impossible, alors, de ne pas soupçonner d’autres motivations à son emportement que celles qui flattaient mon ego.