Je suis juif, mon épouse également et par conséquent mes enfants et petits enfants le sont. Je suis juif et à 63 ans, pour la première fois de ma vie je suis inquiet d’être juif.
Je suis inquiet car de nouveau dans l’histoire des juifs, il leur est attribué, dans leur ensemble des intentions de malfaisance. Intentions qui encore une fois dans leur pénible histoire les rendront responsables des pires maux pouvant accabler l’humanité.
Je suis juif, mais athée ce qui ne rend pas moins juif aux yeux des croyants. Ta mère est juive donc tu es juif me disent-ils. Je suis également juif aux yeux de beaucoup de non-juifs pour qui souvent être juif est appartenir à une race, ce qui est faux mais admis par le commun, il n’y a pas de races humaines. Je pourrais être juif malgré moi, mais j’assume. Il m’arrive d’aller à la synagogue faire le 10ème pour la prière quand mes amis me le demandent ; athée, je ne respecte pas moins la religion de mes ancêtres.
Je me souviens de ma grand mère née dans un « schtetel » du côté de Vilna en Lituanie qui me racontait comment les cosaques de Nicolas II traversaient le village au galop en sabrant ça et la hommes, femmes et enfants, comment elle devait courir se cacher dans les bois à leur approche. Dans son village on vénérait la France on disait « Heureux comme Dieu en France » dans son village on aimait les idées républicaines et révolutionnaires, on chantait La Marseillaise et L’Internationale en yiddish. Ma grand mère fut envoyée en France pendant que de nombreux membres de sa famille s’engageaient dans la révolution bolchevique. À Paris ma grand mère connu mon grand père, lui venait de Vilna également, il avait fait son service militaire en 1905 dans l’armée du tzar à Minsk, il en était devenu communiste.
C’est la raison pour laquelle j’ai coutume de dire que ma famille provient de la 8ème tribu d’Israël, les judéo-bolchéviques, tribu ayant fait beaucoup parler d’elle.
Pour moi donc être juif, c’était très tôt s’engager dans le combat contre les persécutions, le racisme, l’injustice.
Etre juif, c’était également suivre l’exemple de nombreux juifs qui en France, en Russie et dans le monde s’étaient engagés pour l’égalité des droits entre les hommes et par conséquent pour la République et la laïcité de l’État leur permettant ainsi de pratiquer librement leur religion.
J’ai toujours pensé que ma judaïté m’obligeait à m’engager pour le droit et la justice.
À 18 ans, j’ai naturellement adhéré au Parti Communiste Français ; à l’époque, parti prestigieux dont la plus part des cadres étaient issus de la Résistance. C’étaient de durs combattants ayant connu la terreur fasciste, le nazisme et l’antisémitisme. C’est le colonel Rol-Tanguy qui fit mon adhésion valeureux combattant en Espagne dans les Brigades Internationales, chef FTP sous l’occupation nazie puis chef des FFI parisiens ayant déclenchés l’insurrection victorieuse du peuple de Paris. Il n’a pas eu de mal à me faire adhérer.
À Paris au début des années 60, dans le 10ème arrondissement beaucoup de militants communistes étaient juifs, venus dans ce parti naturellement car il avait combattu leur persécuteur nazi. À cette époque, seul le PCF parlait de la solution finale, on y diffusait souvent le film d’Alain Resnais Nuit et Brouillard, on y écoutait Jean Ferrat qui chantait :
« Ils étaient vingt et cent ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés. »
J’y ai connu mon épouse, juive également, venant d’une famille de combattants communistes d’origine polonaise. Dans sa familles on a laissé un lourd tribu au fascisme, massacrés, déportés, fusillés, on ne compte plus les médaillés pour fait de guerre contre l’occupant.
Dans ma famille, nous avons une longue tradition de combat contre l’oppression, des traditions que nous ont légués nos parents et que nous avons légué naturellement à nos enfants.
Dans ma famille, on ne parlait pas ou très peu d’Israël, c’était pour nous un pays étrange et étranger, nous étions Français, fier de l’être et surtout d’avoir combattu pour que vive la France. Personne n’a jamais eu la moindre idée d’aller s’installer dans ce pays. Dans ma famille, on a jamais aimé les théories sionistes, qui pour nous s’apparentaient au racisme honni. Naturellement et conformément à nos traditions nous avons pris fait et cause pour le peuple palestinien persécuté, par des juifs certes, mais des Israéliens qui nous étaient parfaitement étrangers. Etre juif pour nous n’est certainement pas constitutif d’appartenir à une nation. Laïques nous sommes et l’appartenance religieuse ou ethnique ne peut engendrer une appartenance nationale.
Français, nous avons pris le parti de l’opprimé contre l’oppresseur tout simplement.
L’esprit de la Résistance oublié avec la paresse du temps, le Parti Communiste est mort de sa belle mort, dans son lit, je l’ai donc quitté et j’ai rejoint Thierry Meyssan qui venait de fonder le Réseau Voltaire. J’ai apporté au Réseau Voltaire ma sensibilité et mon expérience du Parti Communiste fait de lutte contre l’impérialisme.
Le 11 septembre 2001 après midi, pour moi comme pour Thierry Meyssan, ce que nous voyions et entendions à propos des attentats nous avaient mis sérieusement dans le doute quand à une action de terroristes islamistes. Visiblement tout avaient été concocté pour faire accuser les musulmans dans le but de déclencher une guerre de civilisation. Le Réseau Voltaire a pris rapidement la position que tout le monde connaît et qui est maintenant partagée par une bonne partie de la planète. Face aux premiers éléments de notre contestation de la version officielle, incroyable, imputant comme responsable de ces attentats un homme connu pour avoir été un agent de la CIA, Oussama Ben Laden, le département d’état des USA, puis lui emboîtant le pas comme toujours, le monde politico-médiatique, nous accusa de négationnisme, révisionnisme et antisémitisme.
Ces terribles accusations se référaient à l’holocauste des juifs et semblaient nous dire que si nous contestions une version officielle, nous étions complices de ceux qui contestaient l’existence des camps de la mort, sombre rhétorique, clouant d’avance au pilori toutes critiques portées contre toutes versions officialisées de crimes.
La plus terrible des accusations ne pouvait être que rapidement lancée face à la stupéfaction d’avoir été aussi rapidement démasqué. Il fallait pour les auteurs de ces criminels attentats frapper très fort, le plus fort possible, c’était le « Frapper et terrifier » de leur doctrine de guerre asymétriques. Quoi de plus abject que de nier l’holocauste des juifs d’Europe. Le monde politico-médiatique s’est engouffré dans cette voie montrée par Donald Rumsfeld lui-même dans une intervention à la télévision.
La suite des événements nous donna raison, prenant prétexte de ces attentats les Anglo-saxons et leurs alliés sionistes se sont lancés dans une suite de guerres ayant déjà fait plusieurs centaines de milliers de morts sur plusieurs théâtres, Afghanistan, Irak, Liban et récemment Caucase, ils auraient bien voulu attaquer l’Iran, mais là les militaires états-uniens on dit stop, on arrête les frais, les militaires sont des gens sérieux qui savent ce que la guerre veut dire.
Les Anglo-saxons avaient pourtant prévenu dans un texte paru en 1996, Project for a New American Century qu’ils prendraient toutes dispositions pour s’accaparer la planète, ils suivent ou plutôt ils essayent de suivre leur plan de route, ou plutôt de déroute.
Afin de geler toutes critiques de leurs terribles méfaits, les Anglo-saxons crurent intelligent d’engager Israël et pourquoi pas tous les juifs dans leur nouvelle aventure impérialiste en se dissimulant derrière le tabou absolu de l’holocauste. Ils ont ainsi déployé la rhétorique simpliste et sinistre suivante : critiquer l’un des protagonistes de cette aventure, c’est être forcément antisémite, négationniste et révisionniste.
En 2006 ils ont engagé le respectable Centre Simon Wiesenthal pour accuser Hugo Chavez d’antisémitisme, j’ai pris la plume à l’époque pour fustiger ce massacre d’image [1]. Les sionistes sont sans vergognes et particulièrement irresponsables.
Comme cette rhétorique fonctionne parfaitement bien et ayant réussi à faire taire durablement même les simples critiques de leurs crimes, les Anglo-saxons avec leurs marionnettes et affidés ont étendu l’accusation jusqu’à ceux qui critiquent leurs alliés périphériques.
C’est ainsi que l’on retrouve ce type de rhétorique alambiquée à l’encontre d’un article écrit par Thierry Meyssan accusant Nicolas Sarkosy d’avoir été porté au pouvoir en France avec l’aide soutenue des Anglo-saxons ! [2]
Cette même rhétorique court dans la blogosphère à un nombre étonnant d’exemplaires
Une autre accusation de négationnisme a été également récemment portée par la nomenklatura politico-médiatique à l’encontre de Jean-Marie Bigard qui avait osé émettre publiquement des doutes sur la version officielle états-unienne des attentats du 11 septembre 2001.
La généralisation de ces accusations galvaudées, émises hors du propos initial à l’encontre de tout le monde et de n’importe qui, pour de simples buts de polémique politique, porte un grave préjudice aux juifs.
Cette généralisation, banalisée, édulcore la gravité de l’accusation et tend à la rendre inopérante. Déjà les négationnistes véritables tentent de se présenter comme des victimes et s’engouffrent dans la brèche. C’est bien ce qui était recherché, créer ce type d’amalgame pour anesthésier toutes critiques à l’encontre des criminels.
Et bien ceci est inquiétant et va à l’encontre de l’intérêt des juifs qui se doivent de garder ce tabou net et intacte afin que cet holocauste ne puisse un jour se reproduire.
Déjà les juifs se doivent de supporter les exactions israéliennes. Quand Tsahal envoie des bombes et des obus contre le peuple libanais tuant femmes et enfants avec inscrit sur les engins de morts : « De la part des juifs », c’est terriblement choquant pour moi et ma famille. Quand les sionistes tentent de créer un amalgame entre juifs et Israéliens, ceci ne peut qu’introduire une suspicion dans l’attachement des juifs de France à leur seule et unique patrie, la France.
Quand les sionistes israéliens se livrent à tous les crimes possibles, ayant soutenu par le passé l’apartheid en Afrique du Sud, puis les pires dictatures sud-américaines et encore récemment ont apporté leur aide au criminel géorgien Saakashvilli qui a donné l’ordre, nuitamment, d’écraser sous les tirs de roquettes GRAD (orgues de Staline) la capitale d’Ossétie de Sud faisant des centaines de morts. Quand les sionistes israéliens ont organisé chez eux un apartheid encore plus terrible que celui d’Afrique du sud, il est bien évident que les juifs ne peuvent être qu’inquièts.
Tous ces crimes perpétrés en leur nom !
Au moment ou la référence à l’holocauste est instrumentée d’une irresponsable manière pour faire taire tout opposant politique, au moment ou les Anglo-saxons et leurs alliés sionistes profitent de ce silence pour commettre plus de crimes encore, il y aura forcément un temps ou la réaction des opprimés finira par s’en prendre aux juifs et là je suis inquiet.
Le peuple allemand s’est débarrassé du nazisme.
Que les juifs du monde se débarrassent enfin du sionisme, ils retrouveront ainsi leur âme et leur vocation qui est de lutter contre l’oppression et mes ancêtres dormiront en paix.
Alain Benajam
Chef d’entreprise. Membre fondateur et administrateur du Réseau Voltaire
[1] « Lettre ouverte au Centre Simon Wiesenthal », par Alain Benajam, Réseau Voltaire, 16 janvier 2006.
[2] « Opération Sarkozy : comment la CIA a placé un de ses agents à la présidence de la République française », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 19 juillet 2008. « Thierry Meyssan, Nicolas Sarkozy et les Juifs », par Henri Pasternak, L’Arche, n°604 (août-septembre 2008).