L’accueil est à l’image de la chaîne : chaleureux, décontracté, cinéphile, familier (dans le sens noble du terme), familier comme ces films que la chaîne diffuse que l’on peut revoir un nombre incalculable de fois, autant pour la qualité des films en question que la réminiscence de cet instant magique où les a vus pour la première fois. Voilà : TCM a le charme incomparable et mélancolique des souvenirs d’enfance et de ses premiers émois cinématographiques, même si la chaîne permet aussi souvent de découvrir des pépites cinématographiques méconnues.
Après le cocktail et avoir eu le plaisir de passer de la virtualité d’internet à la réalité et de faire connaissance avec d’autres blogueurs que je « connaissais » parfois virtuellement (filmgeek) ou dont je découvre aujourd’hui les blogs (L'ouvreuse, Le petit cinephile, je vous recommande d’ailleurs les trois blogs précités) -une petite trentaine de blogueurs étaient présents, blogs politiques et cinéma-, place au documentaire…
« Les Films du président » est un documentaire de 52 minutes réalisé par Charles Antoine de Rouvre et produit par TCM, il s’inscrit dans « une programmation spéciale autour de la représentation du président américain au cinéma, tous les jeudis d’octobre à partir de 20h45, avec 10 films emblématiques, engagés, mettant en scène des hommes politiques charismatiques, humanistes ou torturés ».
A un mois du verdict tant attendu pour connaître le prochain locataire de la Maison Blanche (le 44ème président des Etats-Unis sera élu le 4 novembre prochain), alors que vient d’avoir lieu le très attendu débat entre Joe Biden et Sarah Palin, TCM nous montre ainsi à quel point cinéma et actualité, et en particulier politique, s’influencent mutuellement. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à voir à quel point les meetings d’Obama et McCain et leurs prédécesseurs ressemblent à de véritables shows imprégnés de grandiloquence cinématographique, ou même un peu moins loin, il suffit de regarder la communication excessive et mise en scène de celle-ci par Nicolas Sarkozy ou le spectacle hybride et curieusement insouciant, à l’américaine, de Ségolène Royal au Zénith la semaine dernière pour se rendre compte à quel point le cinéma et à quel point peut-être aussi la politique américaine, dans sa communication, influencent la nôtre. Ainsi, Jean-Paul Huchon le souligne-t-il dans le documentaire : « Avec Royal et Sarkozy, nous avons assisté pour la première fois à une véritable scénarisation de la campagne présidentielle ».
Ce qui marque d’emblée c’est la surreprésentation du président dans le cinéma américain. C’est à la fois une figure mythique, christique, démiurgique mais aussi un homme qui incarne l’Amérique de façon binaire et manichéenne, qui incarne l’American dream, celui qui peut partir de rien et se retrouver dans la plus haute fonction de l’Etat (au contraire de la France où nos présidents et politiques sont le plus souvent des énarques). Si le Président est un héros récurrent du cinéma américain et de tous les cinémas (de la comédie au film d’action), sa représentation évoluera néanmoins au fil de l’Histoire et de ses événements, notamment après le 11 septembre 2001.
Si les témoignages des politiques (choisis ici pour leur cinéphilie) restent très consensuels (le producteur a admis avoir coupé au montage ce qui se révélait être une virulente critique de la mise en scène de leurs camps respectifs ( !), TCM étant une chaîne cinéma et le documentaire se voulant cinéphilique et non polémiste ou politique…) les autres sont en revanche plus éclairants notamment sur la difficulté de représenter le président dans le cinéma français (A ce propos, je vous recommande l’excellent « Promeneur du champ de mars » de Robert Guédiguian, cliquez ici pour lire ma critique). Grâce notamment à Griffith et l’usage que le cinéma américain a fait de l’insert, un simple objet prend dans son cinéma une dimension symbolique et métaphorique et un simple plan du bureau ovale immédiatement reconnaissable suffit à personnaliser le pouvoir…tandis qu’en France sa représentation est plus problématique (Comme le dit très bien Edouard Baer : « La Maison Blanche c’est déjà un plan large, alors que l’Elysée c’est un plan serré ») là aussi parce que, où dans un pays la représentation du drapeau est synonyme de patriotisme, il l’est de nationalisme dans l’autre. Dans « Président » par exemple, Lionel Delplanque a délibérément usurpé la réalité en transformant le bureau de l’Elysée en un bureau de 400m2, en évitant toute représentation du drapeau français, en montrant des limousines gigantesques tout simplement pour symboliser un pouvoir que la réalité ne suffisait pas à représenter.
Au-delà du Président, c’est aussi une image de la démocratie américaine, parfois simpliste, qui est vulgarisée dans le monde entier. Aux Etats-Unis, il suffit de présenter une bannière étoilée, le bureau ovale (tant de fois représenté au cinéma…) sur lequel figurent souvent des téléphones le connectant au monde entier, un homme relativement âgé, charismatique, au regard perçant et à la voix déterminée pour que le tour soit joué : on se demande d’ailleurs comment le cinéma pourra représenter W.Bush tant il correspond peu à cette description…et j’attends avec impatience le « W » d’Oliver Stone, portrait au vitriol de l’actuel président américain.
Au cinéma une femme a déjà été présidente et Morgan Freeman l’a déjà incarné, espérons que le cinéma sera prémonitoire. Réponse dans un mois. En attendant les caméras du monde entier restent braquées sur cette passionnante course à la Maison Blanche, filmant comme une fiction cette réalité tellement « cinégénique » et palpitante et brouillant encore un peu plus les repères entre cinéma et réalité. Toujours est-il que, pour cause frilosité des diffuseurs ou manque d’intérêt du public, il nous reste encore beaucoup à faire en France pour que la politique, ou du moins la figure présidentielle, soit aussi présente dans nos fictions.
Programme des 10 films sur les présidents « made in Hollywood » : http://www.tcmcinema.fr/voir/prsidents-made-in-hollywood
Et un marathon spécial élections américaines de 24H à partir du samedi 1er novembre à 20H45. Pour en connaître le programme : http://www.tcmcinema.fr/voir/marathon-prsident-made-in-hollywood
Les diffusions du documentaire « Les Films du Président »:
jeudi 2 octobre à 20h45
vendredi 17 octobre à 23h30
jeudi 23 octobre à 19h45
lundi 27 octobre à 19h45
mercredi 29 octobre à 23h50
samedi 1er novembre à 20h45
dimanche 2 novembre à 19h45
LIENS :
Site internet de TCM : http://www.tcmcinema.fr
Page du site TCM consacrée au cycle sur les « présidents made in hollywood »: http://www.tcmcinema.fr/voir/le-thme-du-mois
Remarque : la chaîne rend également hommage à Paul Newman, avec une soirée spéciale ce vendredi à partir de 20H45 : http://www.tcmcinema.fr/voir/paul-newman-blues
Ci-dessous, ma photo dans le bureau ovale de la Maison Blanche reconstitué à Deauville pour le 30ème Festival du Cinéma Américain.