Partie du secteur du crédit immobilier américain, la crise du "subprime" a d'abord eu des conséquences sur la sphère financière locale. Mais elle a pris de l'ampleur, diffusant aux autres grandes places financières, ainsi qu'à des sociétés non financières américaines comme non américaines.
Dossier réalisé par Marianne Bliman, avec Julie Carceller
1. Qu'est-ce que le "subprime" ?Les crédits "subprime" sont des prêts immobiliers accordés à des ménages américains aux revenus modestes. Si les mensualités de remboursement sont abaissées les premières années, ces prêts sont consentis à des taux d'intérêt variables et de niveau élevé. Ces conditions d'octroi font peser un risque de solvabilité sur ces ménages. En raison de la fragilité de leur situation financière, ceux-ci peuvent en effet se retrouver en situation de ne plus pouvoir faire face aux échéances de remboursement de leur crédit immobilier. Le Center for Responsible Lending chiffre à quelque 20% la proportion, aux Etats-Unis, d'emprunteurs "subprime" qui pourraient perdre leur logement.
En 2006, les crédits "subprime" ont représenté 24% des nouveaux crédits immobiliers octroyés aux Etats-Unis. En fin d'année, leur encours atteignait près de 13% du total des crédits hypothécaires aux Etats-Unis (10.200 milliards de dollars), contre 8,5% en 2001.
2. Les mécanismes de la crise
La hausse des taux d'intérêt directeurs de la Réserve fédérale (Fed) a entraîné celle des taux des crédits immobiliers outre-Atlantique. En effet, confrontées
à un coût de l'argent plus élevé pour financer leurs besoins, les banques ont répercuté ces conditions plus sévères sur leur clientèle.
Parallèlement, l'assèchement de la demande de biens immobiliers a tiré les prix de ces derniers vers le bas, entraînant du même coup une diminution de "l'effet richesse" des ménages - la valeur
de leurs appartements et maisons ayant baissé, leur richesse potentielle s'est en effet amoindrie. La conjonction de ces deux évolutions défavorables a conduit à une hausse des défauts de
paiement voire, dans certains cas, des situations d'insolvabilité de foyers. L'impossibilité de rembourser leurs prêts dans laquelle se trouvent ces ménages pèse sur des établissements de
crédit spécialisés comme New Century, numéro deux du "subprime" américain confronté à de graves difficultés financières.
AFP
Ces défaillances ont entraîné des réactions en chaîne sur les marchés. La courroie de transmission : les véhicules de titrisation. Technique financière sophistiquée, la titrisation consiste à transférer des actifs ou les risques de crédit y afférents sous une forme structurée à des investisseurs tiers. Elle donne lieu à une émission de titres sur les marchés de capitaux, adossés aux actifs sous-jacents (crédits hypothécaires, par exemple) et regroupés par "tranches". Certaines de ces tranches incluaient des crédits touchés par des défaillances ou défauts de paiement de ménages. Les investisseurs se sont alors retirés de ces produits qu'ils considéraient comme trop risqués. Conséquence : certains fonds n'ont plus pu être cotés - parmi lesquels trois gérés par BNP Paribas. L'absence de demande pour certains titres contenus dans ces fonds a en effet empêché de calculer la valeur liquidative de ceux-ci - la valeur liquidative résultant de la confrontation de l'offre et de la demande.BNP Paribas IP gèle trois fonds [ 10/08/2007 ] Les opérateurs ont des comportements souvent suivistes et l'information circule très vite sur les marchés. La défiance vis-à-vis des produits de titrisation s'est propagée à d'autres segments de marché, notamment celui des "commercial paper" - titres de créances négociables émis par les entreprises sur le marché monétaire donc de court terme -, qui représentent d'énormes montants. Les investisseurs n'ayant plus confiance dans ces actifs, ils s'en sont retirés - pour se reporter sur des instruments qu'ils jugeaient plus sûrs. Conséquence : cette chute de la demande a entraîné un assèchement de la liquidité sur les marchés.
4. Les banques centrales à la rescousse
Devant ce déficit de liquidités, les banques centrales ont décidé d'intervenir pour casser une spirale baissière des marchés et fournir aux établissements bancaires et financiers les fonds dont ils avaient besoin pour leur activité. Concrètement, elles ont injecté massivement des liquidités dans le circuit monétaire. Au cours de la seule première semaine d'août, par exemple, les instituts d'émission américain, européen et asiatiques ont ainsi mené des actions concertées au cours desquelles elles ont fourni plus de 330 milliards de dollars aux marchés.
L'analyse de Christian de Boissieu, professeur des Universités et président du Conseil d'analyse économique :
« La Fed n'hésitera pas à baisser ses taux si nécessaire » [ 13/08/2007 ] L'analyse de Patrick Artus, directeur de la recherche et des études de Natixis :
« Les banques risquent un mauvais troisième trimestre » [ 13/08/2007 ] Outre ces injections de liquidités, les banques centrales ont agi via leurs taux d'intérêt directeurs. Le 18 septembre 2007, la Fed a donné un signal fort en réduisant d'un demi point le niveau du taux d'objectif des "Fed funds", son principal taux d'intérêt directeur. Ce taux - que les banques américaines appliquent lors de leurs échanges entre elles pour emprunter des "Fed funds" - a été fixé à 4,75%. Son homologue européenne a également fait preuve de pragmatisme en la matière. Alors que se profilait un resserrement de la politique monétaire dans la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) a, devant les turbulences des marchés, opté pour le statu quo en septembre.
5. L'économie réelle frappée à son tour
L'impact négatif de la crise du "subprime" sur les banques ne fait pas de doute, ni aux Etats-Unis, ni, dans de moindres proportions, dans les autres pays développés.
Les banques vont subir une baisse d'activité dans la titrisation et les financements LBO [ 13/08/2007 ] Les banques universelles américaines ressortent affaiblies de la tourmente estivale [ 19/10/2007 ] La crise financière fait plonger Calyon dans le rouge en 2007 [ 21/12/2007 ] Mais le secteur financier n'est pas le seul, qui pâtit des secousses financières. L'économie réelle est à son tour touchée.
Croissance : le FMI n'exclut pas une nouvelle révision à la baisse [ 18/10/2007 ] « Subprime » : l'addition pourrait approcher 400 milliards de dollars [ 13/11/2007 ] L'analyse de Daniel Bouton, président de la Fédération des banques françaises :
« Pour l'instant, le risque de contagion de la crise du "subprime" au reste de l'économie est limité » [ 19/12/2007 ]
source : http://www.lesechos.fr