Jeudi 2 octobre, le premier ministre irlandais Brian Cowen a fait adopter un plan de sauvetage bancaire que certains qualifieront d'ubuesque : l'Etat garantira pendant deux ans, sans mention de plafond, l'intégralité des dépôts dans les six grandes banques dont le siège est en Irlande (Bank of Ireland, Allied Irish Bank, Anglo Irish Bank, Irish Life and Permanent, Irish Nationwide Building Society et Educational Building Society). Cette garantie représente deux fois le PIB annuel du pays, soit 400 milliards d'euros.
Après le refus du "traité simplifié" par l'Irlande, c'est la seconde fois que ce pays met en difficulté la cohésion européenne. La Commission européenne et le premier ministre britannique Gordon Brown ont exprimé leur désapprobation.
Le procès des nonistes ?
L'Europe politique a montré ses limites. L'échec du référendum européen de 2005, qui consacrait un régime économique libéral mais une union politique plus solide, puis celui du traité simplifié a mis à mal les rouages politiques européens. En payons-nous le prix aujourd'hui ? Même Laurent Fabius redécouvre les vertus de l'Europe : "l'Union européenne ne dispose malheureusement pas de la même puissance de réaction que le gouvernement américain." (source). Faut-il faire le procès du non ? La crise financière actuelle a ceci de paradoxale qu'elle met à mal à la fois les libéraux et les nonistes. Les premiers, Umpistes en tête, sont confrontés au dilemne de soutenir une intervention étatiste majeure ou laisser "la main invisible" purger leurs traders compagnons de route. Les nonistes hurlent à la protection de l'Etat au niveau européen alors qu'ils ont flingué pour longtemps toute capacité politique européenne.
Nicolas Sarkozy avait tiré le premier
Lors de son discours de Toulon, jeudi 25 septembre dernier, le président français avait lui aussi garantit à tous les Français que l'Etat se portera garant de l'épargne des particuliers. En Italie, Silvio Berlusconi a lui aussi déclaré : " je n'accepterai pas que les Italiens perdent ne serait-ce qu'un euro sur leur compte." L'unique différence (réelle) entre la France, l'Italie et l'Irlande est que cette dernière a voté les déclarations de leur chef de gouvernement.
Cette sortie irlandaise de la route commune met à mal l'Union européenne. La présidence française a été débordée. Il faut avouer que Nicolas Sarkozy a mis plus de 10 jours à réagir au tsunami boursier. De surcroît, ses déclarations tardives ne comprenaient aucune mesure concrète, à l'exception de la réunion d'un sommet européen dans les 15 jours à venir et l'appel à de nouvelles règles du système financier international.
Débordé au niveau européen, Sarkozy a choisi de jouer solitaire, mais différemment: plutôt que de soutenir les banques, il investit ailleurs. Jeudi 2 octobre, il a décidé de "mobiliser une enveloppe de 22 milliards d'euros destinée au financement des petites et moyennes entreprises (PME) afin de prévenir les risques d'assèchement du crédit causés par la crise financière."
Nicolas Sarkozy est dépassé... ou ridicule
Le président français n'a pas osé critiquer l'initiative irlandaise, alors même qu'il recevait le premier ministre irlandais mercredi 1er octobre. Ce dernier lui aurait-il caché ses projets ? Au pire, Sarkozy s'est fait roulé, au mieux, il a eu peur de s'aliéner l'Irlande dont il a besoin du soutien pour faire adopter "son" traité simplifié dans les prochains mois. Narcissisme personnel contre intérêt collectif ? Pire, Nicolas Sarkozy apparaît complètement dépassé par les évènements. Au niveau européen, Sarkozy tente de reprendre l'initiative. Malheureusement, l'idée de la création d'un fond de soutien pour relancer le système bancaire n'a pas rencontrer le consensus espéré. Dès les fuites (mercredi) sur un éventuel plan de sauvetage de 300 milliards d'euros, l'Allemagne a refusé officiellement.
Dans un entretien paru jeudi dans le quotidien allemand Handelsblatt, (Christine Lagarde) se déclare en faveur d'un fonds de secours européen pour prévenir toute faillite bancaire, sans toutefois évoquer de montant.En France même, son "conseiller spécial" Henri Guaino (Human Gag ?) a déclaré jeudi 2 octobre que"temporairement", les critères de Maastricht "ne sont pas la priorité des priorités. La priorité, c'est de sauver le système bancaire mondial et par conséquent de sauver les économies des citoyens, il n'y pas pas d'autre choix", a-t-il ajouté."Ce sont des règles de temps ordinaires, pas des règles de crise. Aujourd'hui la question est de savoir si oui ou non on laisse les choses dériver, le système s'effondrer, ou bien si on empêche que le système s'effondre". La majorité présidentielle a implosé dans les heures qui suivirent.
"Les propos de Guaino n'étaient vraiment pas indispensables, explique à LEXPRESS.fr le député de la Drôme Hervé Mariton. Laisser entendre qu'on peut jouer avec les règles de Maastricht sur la maîtrise des déficits, c'est risquer de fragiliser le crédit que les Français portent à l'Etat."
Son gouvernement rafistole
Le souhait d'union nationale a volé en éclat. Après son annonce de dépenser quelques 2 milliards d'euros pour financer par l'Etat 30 000 logements, Sarkozy a annoncé une revalorisation de la prime de Noël: "Pour les titulaires des minima sociaux comme le revenu minimum d’insertion (RMI) et l’allocation de solidarité spécifique dont le pouvoir d’achat n’est pas garanti, j’ai décidé d’accorder une prime exceptionnelle pour compenser le retard sur l’évolution réelle des prix en 2008." Il a fallu attendre une crise boursière pour le gouvernement reconnaisse que le pouvoir d'achat des plus faibles est au plus mal. Quel est le rapport ?
Similairement, Eric Woerth et André Santini ont annoncé le 1er octobre une revalorisation au 1er octobre de 0,3 % du point d’indice fonction publique, soit pour l’année 2008 + 0,8 %.
"Cette revalorisation qui concerne les 5,2 millions d’agents, intervient aux côtés d’autres mesures salariales appliquées également en 2008 :
la création d’une garantie individuelle de pouvoir d’achat (GIPA) pour tous les fonctionnaires. Cette prime individuelle sera versée pour la première fois au mois d’octobre ;
un relèvement de la grille indiciaire des agents de catégorie C ;
une refonte des grilles des catégories B et A ;
et la mise en place d’une politique de rémunération au mérite qui concernera à terme l’ensemble des agents des trois fonctions publiques."
Radiozapping : L'impossible union nationale
LEMONDE.FR | 02.10.08
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