La Surprise et l'Héroïque

Publié le 02 octobre 2008 par Philippe Delaide

Concert mardi 30 septembre à Pleyel. Au programme : L'Orchestre des Champs-Elysées, sous la direction de Philippe Herreweghe, interprète la Symphonie N°94 en sol majeur  "La Surprise" et le Concerto pour violoncelle en ut majeur de Joseph Haydn (Jean-Guihen Queyras au violoncelle) ainsi que la symphonie N°3 en mi bémol majeur "Héroïque" de Ludwig van Beethoven.

C'est un Philippe Herreweghe très en verve qui anime cette soirée en attaquant avec vivacité la symphonie "La Surprise" de Joseph Haydn. L'Orchestre des Champs-Elysée déploie ses sonorités onctueuses et cette belle plasticité, typique du style de direction imprimé depuis toujours par Philippe Herreweghe, mais sans négliger pour autant de belles attaques, une rythmique très maîtrisée, une transparence indéniable des différents plans sonores. Toute la mécanique de cette symphonie se déploie avec netteté, les contours sont bien ciselés et la touche d'ironie que le maître autrichien adorait parsemer dans ses symphonies, est bien restituée. C'est notamment le cas, avec le deuxième mouvement qui, à la suite d'un introduction innocente, digne d'une canzonetta, se trouve interrompu par un fracassant tutti d'orchestre (accentué par un bon coup de timbale) dont la légende dit qu'il était destiné à réveiller les auditeurs assoupis du fait des heures tardives des concerts.

Vient ensuite ce chef d'oeuvre qu'est le concerto en ut pour violoncelle avec un soliste (Jean -Guihen Queyras) qui a obtenu les plus belles distinctions sur l'enregistrement de cette oeuvre (cf. note du12 septembre 2008). Je n'arrive pas à me détacher pour ma part de la belle version de Christophe Coin avec Christopher Hogwood (label l'Oiseau Lyre et repris par DECCA). Toutefois, force est de constater au concert que Jean-Guihen Queyras a une belle présence, une maîtrise stylistique indéniable.  L'interprétation du soliste est un mélange étonnant de style à la fois âpre et racé. Il y a du grain dans ses sonorités avec un instrument qui révèle des graves d'une beauté inouïe. La technique est irréprochable et, le plus important, l'engagement, la prise de risque réels. Toute petite réserve, cette fois à l'égard du chef, à savoir un tempo que je trouve un peu trop expéditif, surtout, et c'est le comble, sur le sublime Andante. Le plus beau mouvement est indéniablement le premier ce soir là.

Après l'entracte, Philippe Herreweghe emmène son orchestre dans une belle aventure à savoir la 3ème symphonie de Beethoven. Contrairement à Jos van Immerseel qui dans son intégrale récente avait pris des options discutables (notamment un rééquilibrage un peu arbitraire des vents par rapport aux cordes - cf. note du 10 mai 2008), ce sont bien les cordes qui dominent et fixent le tempo avec une énergie impressionnante du début à la fin. Comme pour celle de Haydn citée précédemment, les différents motifs de cette incroyable symphonie sont révélés avec vivacité, et, encore, une transparence et une netteté exquises. Philippe Herreweghe nous met bien en évidence les audaces ryhtmiques et harmoniques de cette symphonie.

Très beau concert qui confirme le registre incroyable dans lequel le chef flamand est capable d'évoluer, de Roland de Lassus à Bruckner, en passant par les cantates de JS Bach et, justement Haydn et Beethoven. Impressionnant.

Dernier petit détail : j'étais à l'orchestre, assez près de la scène (B118). L'acoustique incroyable de cette nouvelle salle Pleyel m'a permis de savourer note par note la sonorité chatoyante de l'orchestre et, surtout, celle du superbe violoncelle de Jean-Gihen Queyra, surtout sur un bis consacré à la poignante Sarabande de la 2ème suite pour violoncelle de JS Bach.