Le matin du depart, on fait la connaissance de Temba, notre guide boudhiste d'origine tibetaine.Temba a 28 ans, a commence comme porteur a l'age de 15 ans, et provient d'un village eloigne de 4 a 5 jours de marche de Lhassa; ni voiture, ni moto, ni meme cheval ne peuvent l'atteindre!
De Jomson, on endosse nos 10 + kg de sac, et on met directement le cap sur Kagbeni situe a 3 heures de marche de notre point de depart. Les paysages
Kagbeni est un village de quelques ames, constitue d'une petite dizaine de maison en pierre enfoncees dans la montagne. Dans la matinee, on y croise les femmes transportant vers les monasteres leurs "Pujas"; offrandes faites aux divinites, constituees de plats mitonnes avec soin qu'elles partageront entre leurs dieux et leur famille, ainsi que de feuillages aromatiques incandescents qui repandent dans l'atmosphere glaciale du petit matin une odeur agreable.
A la fin de la journee, on doit prendre garde a ne pas se faire ecraser par les cheptels de centaines de chevres ou moutons qui traversent a toute allure le village pour rejoindre leurs enclos.
Le soir, nos hotes nous ont prepare un feu pour rechauffer nos pieds engourdis par le froid, et Carlos et mois goutons aux differents pains locaux, avec ou sans oeufs, avec plus ou moins de levure; les nepali breads, les apple breads, les corn breads, tibetan breads, Kagbeni breads, ... et je me rechauffe en buvant des Rakxis ou alcools locaux a base de pomme... il y a ceux qui donnent mal a la tete, et ceux qui donne tres mal a la tete...
A notre arrivee, on fait la visite du monastere tibetain du village avec un moine timide a l'anglais tres approximatif... On lui sourit sans cesse pour lui donner du courage, mais a la fin de son expose, on n'aura pas compris un traitre mot de ce qu'il aura tente de nous expliquer.
Dans cette region du Nepal, distante de quelques kilometres de la frontiere chinoise, se sont refugies plusieurs milliers de Tibetains. Ils y ont laisse plusieurs monasteres, stupas, et des grottes creusees dans la montagne dans lesquelles ils se sont caches plusieurs annees durant. Quand on regarde la paysage troue de tous ces refuges, on ne peut s'empecher de penser que cela doit ressembler a l'idee que l'on se ferait de l'Afghanistan...
Le lendemain matin, on dejeune dans la cuisine familiale; les femmes nous preparent le the, les oeufs et le pain chauffes au feu de bois, avec toujours aggripes sur leur dos, leurs bebes a croquer!
Carlos et Temba vont grimper 500 metres plus haut, moi je decide de repartir tranquillement seule vers Jomson; on est sportif inconditionnel, ou comme moi... on ne l'est pas! ;-) A notre depart, on nous noue l'echarpe blanche tibetaine autour du cou en signe de respect et voeu de bonne chance pour la route a venir...
Novembre est la fin de la saison touristique; on a une veine inestimable; quasi plus aucun touriste a l'horizon, et grace a ce satane changement climatique, aucun nuage pour obscurcir les rayons du soleil.
Vers midi, je quitte Kagbeni pour Jomson. Je suis absolument seule, et c'est un sentiment de
Seul le bruit du vent, de ma respiration, et le craquement de mes pas troublent le silence qui m'entoure. De temps a autre, je croise les porteurs nepalais. Ils me donnent mal au ventre a voir le poids qu'ils portent sur le dos; des monceaux de sacs enroules de cordes qu'ils passent au dessus de leur tete, supportant la majorite de la charge sur leur nuque. Ils transportent de toutes sortes, parfois meme jusqu'a des cages remplies de poules apeurees. Leurs visages, comme ceux que l'on croise dans les villages d'altitude, sont burines par le soleil, et leurs joues marbrees du rouge de leurs veines a cause du froid.
Le matin suivant, je tue le temps sur Internet a Jomson en attendant Carlos et Temba. Les voies de la modernisation sont decidement impenetrables... si dans cette region, on se chauffe et on cuisine encore au feu de bois, on y capte Internet par satellite!! Au cybercafe facon locale, je croise un Nepalais a qui je fais part de mon malheur; si jamais je reste a Jomson, il m'offre de me loger chez sa soeur qui habite de l'autre cote du lac. Il a vecu plusieurs annees en Belgique, et parle... un Neerlandais impeccable!
Je me regale des rayons du soleil sur la terrasse de l'hotel au point d'attraper le "look panda" a la fin de la journee. A 3h de l'apres midi se pointent enfin Carlos et Temba. Ils sont senses me
Le lendemain matin tres tot passent les vieilles jeeps pour Ghassa qui sont, je ne sais pour quelle raison, en principe interdite de prendre des touristes, mais on me negocie une place. Je retrouverai Carlos et Temba apres 3 heures de route pour moi, 7 heures de marche a vive allure pour eux. Les jeeps font taxi-brousse, s'arretent a chaque maison pour prendre du fret ou des passagers supplementaires. On s'y empile a 9 a l'arriere et une dizaine au milieu des sacs sur le porte bagage du toit.
La fille, coincee a cote de moi, m'attrape le bras et enfonce sa tete dans mon polar pour y trouver de la chaleur... Elle me rechauffe par la meme occasion, ce qui est bienvenu; ne pouvant plus supporter d'enfiler mes chaussures, je voyage en chaussettes!
A Ghassa, je recupere mon gros sac et les 15 kg d'affaires dont Carlos et Temba se sont delestes. Le chauffeur refuse comme promis a Temba de m'aider... Je trace peniblement mes 15 minutes de route vers la Guesthouse qu'un Australien m'a recommandee.
15 minutes de marche hors du village, ca a l'avantage d'offrir un repos dans un endroit isole. Je delecte ces moments de serenite en compagnie de la famille nepalaise qui m'accueille. Je ne bouge plus de mon siege de toute l'apres midi, me faisant servir le the par le petit garcon de la famille, accompagne de son frere qui commence ses premiers pas et s'aggripe a tout ce qu'il peut...
Sur la route qui longe la guesthouse, passent les troupeaux de mules que l'on entend venir de loin grace aux cloches pendues a leur cou. Les mules sont le seul moyen d'acheminer les biens dans ces villages isoles de toutes routes praticables en voiture ou camion. Les mules y passent par
Le soir, on partage le repas avec Temba, Carlos, et un Irlandais sympa qui vit a Melbourne en Australie. Le lendemain 5 heures de marche nous attendent; on traverse de multiples ponts qui enjambent des gorges ou relient des vallees... la route est toujours aussi belle!!
Pour soulager mes talons, j'enfonce mes pieds vers l'avant de mes chaussures, ce qui me vaudra deux orteils complement bleus et un ongle rempli de pus... miiiiam!
Lorsqu'on s'approche de Tatopani commencent les travaux de la nouvelle route a flanc de montagne. On y croise de valeureux travailleurs creusant le chemin sans aucune securite, ainsi que de vieux messieurs aux cheveux completement gris et des adolescents qui cassent des pierres encadres par l'armee... Sont-ce des travaux forces?
A l'hotel, je lis les instructions laissees pour les touristes quant a leur porteur; plusieurs d'entre-eux meurent de froid chaque annee, abandonnes dans la montagne par les touristes qui n'en n'ont plus l'usage, ou a cause du mal de l'altitude, car sans doute, un porteur ne vaut pas la peine qu'on redescende... Incroyable!!
Le mal de l'altitude n'est pas une chose a prendre a la legere, il est dit qu'a cause du manque d'oxygene, une personne qui aterrirrait directement au sommet de l'Everest n'y survivrait que quelques minutes avant de sombrer dans un profond coma engendrant la mort...
Pendant que Carlos se repose, je prend le the avec Temba. Il me parle de son Tibet natal. Ce qu'il me raconte n'est sans doute pas nouveau, mais n'en reste pas moins poignant. L'armee chinoise occupe toute la region, n'hesitant pas a tirer au hasard sur les villageois, tuant de sang froid ceux qui se rebellent aujourd'hui encore!
Les militaires investissent les villages, detruisent les monasteres, et requisitionnent les maisons. Dans le grand planning gourvernemental n'est laisse aux Tibetains que les emplois subalternes. Des qu'une terre est trop verte ou trop fertile, les Chinois en font un "Parc National", entourant l'espace de barbeles, et faisant payer aux Tibetains des droits d'entree exhorbitants pour eux y faire paturer leur betail.
Autour des frontieres "Tibet-Chine" ou des grandes villes, sont eriges des check-points qui empechent desormais les Tibetains de se deplacer librement pour acheter les biens de premiere necessite. Pour contenir et controler la population, le gouvernement delivre au compte-gouttes des cartes d'identite a renouveller chaque annee, interdisant aux Tibetains d'obtenir un passeport qui leur permettrait de voyager.
Certains Tibetains sont enroles dans l'armee chinoise, ce qui permet, d'apres Temba, d'assouplir les regles lorsqu'ils sont affectes aux check-points.
Le gouvernement chinois justifie l'exil force du Dalai-Lama par le fait que celui-ci est riche, et s'empressait de constituer une armee de rebellion s'il revenait sur ses terres... On devrait sans doute leur envoyer en masse des livres "Le Boudhisme explique aux nuls" qu'ils se rendent enfin compte que les boudhistes sont les personnes les plus humbles et les plus pacifistes au monde...
Temba est parfaitement au courant que des pays comme la Belgique refuse d'accueillir le Dalai Lama lorsque sa visite risque de froisser les susceptibilites des dictateurs chinois... Honte sur nous!!
La possession d'images ou de livres du Dalai Lama est interdite au Tibet, et il n'est parait-il pas rare que les militaires fouillent les bagages des touristes; je vais essayer pour voir... un petit acte futil de revolte au niveau personnel... ;-)
Pourquoi la Chine s'interresse t-elle tant au Tibet? Pour ses gisements d'or, et, d'apres Temba, beaucoup de reserves de sel encore non exploitees.
Les enfants qui exploitent les mines de diamants en Afrique; les colonisations deguisees, ou les dictatures sanguinaires maintenues en place pour l'or en Asie... Toute cette souffrance pour qu'au bout de la chaine des petasses occidentales exhibent leurs signes exterieurs de richesse pendus a leur cou ou a leurs oreilles...
On n'oserait plus aujourd'hui porter de fourrure au nom de la defense des animaux, mais combien d'humains sacrifies sur l'autel de la prosperite affichee?
...
Sur la route du trek, c'est une autre forme de persecution qui prend place, celles des rebelles maoistes qui ont du sang sur les mains, et ranconnent les populations et les touristes en construisant des barrages sur les routes pour demander, ce qu'ils apellent sans aucune gene, des "donations".
Visiblement un debat ethymologique sur la definition du mot etait hors de portee de sa petite cervelle d'oiseau. Preferrant passer pour un grand prince que pour un con, notre genie nous laisse partir en pestant...
De Thotepani, on decide de se separer. Carlos planifie de monter a l'Annapurna Base Camp avec Temba, moi, mes pieds me supplient de rentrer. J'ai encore 3 heures de marche devant moi avant d'atteindre le premier village d'ou partent des bus locaux vers Beni, puis Pokhara.
Les 3 heures se transformeront au final en 5 heures a cause des detours crees par les travaux de la route qui m'obligent plusieurs fois a regrimper la montagne.
Sur le chemin, tout le monde se salue du traditionnel bonjour nepalais "Namaste", litteralement, "I greet the divine inside of you".
Le retour en bus est une fois de plus chaotique; 3 heures jusque Beni, ensuite 5 heures jusque Pokhara que j'effectue majoritairement debout dans l'allee centrale par faute de place.
Pour les deux dernieres heures, j'arrive enfin a m'asseoir a cote d'une jeune fille et son bebe de quelques mois. Elle ne parle pas anglais, on communique essentiellement par des sourires. Son bebe, a la bouille ravageuse, est tombe amoureux de moi, et hurle tant qu'il n'est pas sur mes genoux... Sa mere finit par me le confier avant d'elle-meme se serrer pour se rechauffer contre moi, puis s'endormir sur mon epaule.
J'ai maintenant un bebe dans un bras, sa mere dans l'autre, et je passe mon temps a essayer de jouer le role des amortisseurs que le bus n'a plus pour ne pas les reveiller...