L'idée de la toute puissance du marché qui ne devait être contrarié par aucune règle, par aucune intervention politique, cette idée de la toute puissance du marché était une idée folle.
L'idée que les marchés ont toujours raison est une idée folle.
Ce n'est pas Arlette. Ce n'est pas Olivier Besancenot. C'est notre Très Grand Homme (TGH). Je préviens quand même.
L'économie de marché c'est un marché régulé, le marché mis au service du développement, au service de la société, au service de tous. Ce n'est pas la loi de la jungle, ce n'est pas des profits exorbitants pour quelques-uns et des sacrifices pour tous les autres. L'économie de marché c'est la concurrence qui réduit les prix, qui élimine les rentes et qui profite à tous les consommateurs.
L'économie de marché élimine les rentes ? Je croyais que le but du marché était justement de se faire des rentes. Qu'on m'explique comment l'économie de marché élimine les rentes. Vraiment.
Le capitalisme ce n'est pas la primauté donnée au spéculateur. C'est la primauté donnée à l'entrepreneur, le capitalisme c'est la récompense du travail, de l'effort et de l'initiative.
J'y reviens à la fin du billet, mais au cas où vous décrocherez avant (car la route est longue), je préviens que je n'ai pas compris. L'entrepreneur entreprend pour augmenter son capital. Investir son capital (spéculer ou même se faire des rentes), c'est un peu le but. Me voilà perplexe. Mais ce n'est pas la première fois.
Ensuite Sarkozy découvre le socialisme :
Je veux le dire aux Français : l'anticapitalisme n'offre aucune solution à la crise actuelle. Renouer avec le collectivisme qui a provoqué dans le passé tant de désastres serait une erreur historique. Mais à l'inverse ne rien faire, ne rien changer, se contenter de mettre toutes les pertes à la charge du contribuable et faire comme s'il ne s'était rien passé serait également une erreur historique.
[...]
La crise actuelle doit nous inciter à refonder le capitalisme, le refonder sur une éthique, celle de l'effort et celle du travail, elle doit nous inciter à retrouver un équilibre entre la liberté nécessaire et la règle, entre la responsabilité collective et la responsabilité individuelle.
Il nous faut trouver un nouvel équilibre entre l'Etat et le marché, alors que partout dans le monde les pouvoirs publics sont obligés d'intervenir pour sauver le système bancaire de l'effondrement. Un nouveau rapport doit s'instaurer entre l'économie et la politique à travers la mise en chantier de nouvelles réglementations.
Jusqu'à Toulon, la crise n'existait pas ou n'allait pas toucher nos banques françaises si impeccablement gérées. Et maintenant, c'est déjà fini. Ouf!
Il faut tirer les leçons de la crise pour que la crise ne se reproduise pas. Nous venons de passer à deux doigts de la catastrophe, le monde est passé à deux doigts de la catastrophe, on ne peut pas prendre le risque de recommencer.
Je ne cite même pas les élucubrations sur les vilains patrons et les parachutes d'orés. Non que je veuille défendre les uns ou les autres, mais dans la bouche de Nicolas Sarkozy, les ficelles sont comme d'habitude trop grosses : il faut des coupables isolés et de préférence inconnus des téléspectateurs. Et moi qui avais compris que c'était le système qui était en cause... En somme, il faut distraire. Juan appelle ça le vacarme.
La monnaie est au coeur de la crise financière comme elle est au coeur des distorsions qui affectent les échanges mondiaux. Et si l'on n'y prend pas garde le dumping monétaire finira par engendrer des guerres commerciales extrêmement violentes et ouvrira ainsi la voie au pire des protectionnismes. Le producteur français peut faire tous les gains de productivité qu'il veut ou qu'il peut. Il peut à la rigueur concurrencer les bas salaires des ouvriers chinois, mais il ne peut pas compenser la sous-évaluation de la monnaie chinoise. Notre industrie aéronautique peut être aussi performante que possible, elle ne peut pas lutter contre l'avantage de compétitivité que la sous-évaluation chronique du dollar donne aux constructeurs américains. (C'est moi qui souligne, o16o.)
Attendez que je détache les phrases qui sont peut-être les plus hilarantes de ce discours :
Le producteur français peut faire tous les gains de productivité qu'il veut ou qu'il peut. Il peut à la rigueur concurrencer les bas salaires des ouvriers chinois, mais il ne peut pas compenser la sous-évaluation de la monnaie chinoise.
Le rêve de la droite et du MEDEF : le salaire des ouvriers français ramené à sa juste valeur, celle des " bas salaires des ouvriers chinois", mais, comble de l'injustice!, même si la France devait atteindre ce noble objectif - qui consisterait à diviser les salaires par combien ? dix ou vingt ? - même alors ces chinois qui trichent avec leur monnaie auraient un avantage sur nous. (Tiens, c'est bizarre, on dirait que notre monarque élu n'a plus peur de fâcher les chinois. Car je crois que le sujet de la monnaie chinoise est assez sensible...).
Voilà donc pour la responsabilité individuelle et le gagner-plus.
Je suis convaincu que le mal est profond et qu'il faut remettre à plat tout le système financier et monétaire mondial, comme on le fit à Bretton-Woods après la Seconde Guerre Mondiale. Cela nous permettra de créer les outils d'une régulation mondiale que la globalisation et la mondialisation des échanges rendent indispensables. On ne peut pas continuer de gérer l'économie du XXIème siècle avec les instruments de l'économie du XXème. On ne peut pas davantage penser le monde de demain avec les idées d'hier.
Hah! Je ris encore. Ant s'est déjà moqué de ce nouveau Bretton-Woods que Sarkozy a pris dans la contribution Urgence Sociale. Comme visiblement je me place désormais à droite de Nicolas Sarko-Trotsky, je renvoie à mon billet assez critique de ce nouveau Bretton-Woods, qui reste tout à fait compréhensible d'un point de vue de gauche, mais carrément risible en provenance de la droite-qui-fut-dure.
Je passe sur les élucubrations sur l'Europe, pour m'arrêter sur ce qui est peut-être un petit bijou :
En tant que Président de l'Union, je proposerai des initiatives en ce sens dès le prochain conseil européen du 15 octobre.
Il est vraiment, lui-même, Président de l'Union ? Je sais que c'est la "Présidence Française", mais je n'étais pas au courant de l'existence d'un poste "Président de l'Union". Dites-moi si je me trompe. François Fillon est-il du coup "Premier ministre de l'Union" aussi ?
Je le dis avec la même détermination : si les difficultés actuelles devaient entraîner une restriction du crédit qui priverait les Français et les entreprises, en particulier les PME, des moyens de financer leurs investissements ou d'assurer leur trésorerie, l'Etat interviendrait pour que ces financements puissent être assurés. Il le ferait par des cautions, par des garanties, par des apports en capital ou par une modification de la réglementation bancaire, mais il le ferait pour éviter que par un engrenage fatal l'économie privée de financements s'enfonce durablement dans une récession que nous n'accepterons pas.
Je ne veux pas être le défenseur de la Main Invisible, mais après tout, maintenant que je suis de droite, ça va devenir une seconde nature. En "soutenant" ainsi les PME, n'est-ce pas un signe d'encouragement envers les banques : faites des mauvais prêts, l'État est là!
J'y ajouterai des mesures fortes pour que les programmes immobiliers en cours puissent être menés à bien et pour que des terrains appartenant au secteur public soient libérés pour y construire de nouveaux logements, ce qui contribuera à la baisse des prix qui avaient atteint des niveaux parfaitement excessifs.
Idem. Allons-y, on va tous être des propriétaires endettés, c'est la solution. Dedalus nous rappelle d'ailleurs qu'il n'y a pas si longtemps, le "candidat Sarkozy" rêvait de subprimes à la française...
Face au ralentissement de l'activité se pose naturellement la question de la relance de notre économie. Cette relance nous l'avons engagée, bien avant tous les autres, avec les mesures prises il y a un an sur les heures supplémentaires, la possibilité de déduire les intérêts de ses emprunts immobiliers, la suppression des droits de succession, le crédit d'impôt recherche, auxquels se sont ajoutées d'autres mesures comme le déblocage de la participation.
Ce soutien apporté à l'activité nous a permis de mieux résister à la crise.
Là, c'est presque aussi drôle que le morceau sur les salaires franco-chinois. Une seule interprétation possible de cette défense du Paquet : la dette, c'est bien. Les 10 et 15 milliards perdus par an pour rien, c'est bon pour le moral. On ressent un peu mieux ce que c'est d'être une grande banque en ce moment.
L'argent de l'Etat, c'est l'argent des Français. Ils ont travaillé trop dur pour le gagner pour que l'on ait le droit de le gaspiller. On a gaspillé l'argent des Français lorsqu'on l'a dépensé pour financer les 35 heures avec les résultats catastrophiques au plan économique et social que l'on connaît.
Là, je cite juste pour le plaisir. Comme tout le monde sait, le désastre économique n'était pas les subprimes, mais les 35 heures. C'est là où l'on commence à comprendre pourquoi Sarkozy, Lagarde et Cie étaient si lents à reconnaître l'existence d'une crise économique et financière internationale : il n'y avait aucun lien avec leurs ennemis héréditaires, les socialistes. Maintenant que Sarkozy est lui-même socialiste, ça va être plus compliqué. L'aveuglement de la guerre des clans a mal servi la France pour le coup.
La référence aux 35 heures n'était pas un hasard, même si c'est un réflexe. (Guaino et les autres doivent tester leurs Waterman en écrivant "c'est la faute des 35 heures".) Cette référence annonce le véritable message de Toulon, une fois débarrassé de toute l'hypocrisie altermondialiste : on ne change pas une stratégie qui ne marche pas. Ainsi :
Alors pour retrouver des marges de manoeuvre et pour préparer l'avenir, les dépenses de fonctionnement de l'Etat doivent diminuer. L'année prochaine, c'est donc un total sans précédent de 30 600 emplois publics qui seront supprimés dans la fonction publique. La révision des politiques publiques sera menée avec beaucoup de célérité. La réforme de l'hôpital permettra d'améliorer l'accès aux soins tout en supprimant des dépenses inutiles. Les agents hospitaliers seront intéressés à l'équilibre de leur budget et partout les fonctionnaires seront associés aux gains de productivité dans la fonction publique. C'est une véritable révolution culturelle que nous mettons en place et qui va modifier en profondeur les comportements.
"Révolution culturelle"...
Mais là aussi, je vous dois la vérité : dans la situation où se trouve l'économie, je ne conduirai pas une politique d'austérité parce que l'austérité aggraverait la récession. Je n'accepterai donc pas de hausses des impôts et des taxes qui réduiraient le pouvoir d'achat des Français. Car notre objectif, c'est de leur rendre du pouvoir d'achat et non de leur en prendre.
La dette, libérons nous par la dette ! Les 30 600 postes supprimés dans la fonction publique auront bon dos...
Comme une telle conclusion pourrait laisser un goût un peu aigre dans les oreilles de certains, Sarkozy revient au Grand N'Importe Quoi pour finir la séquence.
Il faut opposer l'effort du travailleur à l'argent facile de la spéculation, il faut opposer l'engagement de l'entrepreneur qui risque tout dans son entreprise à l'anonymat des marchés financiers, il faut opposer un capitalisme de production à un capitalisme de court terme, il faut accorder une priorité à l'industrie au moment où l'étau de la finance se desserre, voilà tout le sens de la politique économique que nous voulons conduire.
Quelqu'un pourrait-il expliquer au Très Grand Homme (TGH) que dans "capitalisme" il y a "capital", et que la spéculation qui est source de tous les maux n'est autre chose que l'une des manières de profiter de son capital (quand on en a).