La cérémonie pour la pluie : Chants et diatribes des femmes peules...
La civilisation peule a connu aussi la marque de la religion qui a remodeler sa structure culturelle et sociale, cependant revisiter certaines pratiques de son passé est une forme de retour sur l’histoire de ce qui a été l’homme peul avant l’ère de sa philosophie religieuse actuelle.
Le rythme de la vie de la société est peule est tributaire de la générosité du ciel, toute la vie du fuuta nke est basée sur l’abondance des pluies, d’elles dépendent les bergers, les pêcheurs et les cultivateurs peuls.
Quand les nuages se font rares et que la terre crache du feu sous l’effet de la sécheresse persistante, partout on assiste à cette décimation horrible du bétail, de loin on entend les plaintes des cultivateurs qui ne cessent d’implorer le ciel sans espoir.
Que dire de ce père pêcheur qui rentre dans sa famille, bredouille d’une partie pêche dans un fleuve où les algues vertes ont remplacé les poissons délicieux.
Partout la pluie se fait désirer et son attente incertaine angoisse les familles, la tristesse est palpable mais l’espoir reste permis.
Des jours et des semaines s’écoulent et pas une goutte d’eau ne vient du ciel, le village bruyant devient silencieux, les visages pâles et témoignent les durs moments que traverse le village.
Après un rendez-vous incertain avec les largesses du ciel, les hommes se réunissent alors sous l’ombre du grand figuier pour exploiter leur dernière arme, finalement la décision collective donnera pleins pouvoirs aux femmes du village d’user de leurs chants mi-païens et mi-religieux pour implorer les puissances divines afin de répandre la grâce du ciel.
Cette cérémonie de prière pour l’arrivée de la pluie est un grand événement, elle est à la fois mystique et solennelle.
Elle se fera dans le cimetière du village, avec des femmes mûres habillées uniquement de pagnes de couleurs blanches à l’image des morts, elles se dirigent dans la totale discrétion vers ce lieu symbolique pour entamer ce rituel de prière.
Les voilà autour de la tombe la plus majestueuse du cimetière, armées de pilons, elles se mettent en file indienne et à leur tête la plus âgée, celle qui maîtrise l’art de la cérémonie héritée du monde païens des peuls, le geste synchrone, elles imiteront le coup du pilon dans le mortier tout faisant le tour de la majestueuse tombe en sept fois, le tout drapé dans une mélodie de chansons peules cantonnées à voix haute. Ainsi on peut le résumer en Français de la manière suivante ::
Oh toi mon dieu, toi mon unique créateur,
je te supplie de nous arroser de ta miséricorde,
oui qu’il pleuve afin que je puisse prendre mon bain,
et qu’il pleuve afin que puisse le prendre tous les jours,
sache que ma case et mes habits sont en feu et que tout brûle
chez nous sans aucun un secours,
alors que la pluie tombe et qu’elle arrose fortement toute la terre afin que s’éteigne cet incendie qui a tout détroit chez nous grâce à ta générosité.
Une fois les sept tours accomplis, elles reprennent le chemin du retour, souvent accompagné d’un ’un ciel qui se recouvre de gros nuages noirs et menaçants, qui finiront par céder la place à des fortes pluies pour une longue période.
Ainsi la terre morte respire et retrouve sa verdure, ses odeurs, ses lacs, ses étangs poissonneux, qui ravira les bergers, pêcheurs et cultivateurs. Et la lisière du fleuve asséché se repeuple de ses habitants amoureux des tourbillons d’eau et des abîmes noirs.
Cette cérémonie est aujourd’hui remplacée par la prière des hommes à la mosquée en cas de sécheresse, on peut dire qu’elle complètement disparue chez les peuls sédentaires.
Oumar Moussa N’DIAYE