Je suis incapable d’être en rythme dans le chant, la musique ou la danse. Alors, la pédagogie d’Emile JAQUES-DALCROZE basée sur l’apprentissage du mouvement par et pour la musique comme une manière de vivre m’a rendue perplexe… puis enthousiaste. Il s’agit d’investir notre corps et de le rendre sensible au rythme et à la musique. Nous sommes loin des cours de solfège ou de danse traditionnelle. Ici il est question de naturel avant de laisser parler la technique…
Par des exercices de « rythmique », le corps évolue en entier et fait appel à la voix et aux sens auditif, visuel, tactile et kinesthésique. Avec la musique, le corps est en mouvement et par des jeux, des exercices de coordination, de réaction, de dissociation et des improvisations, les élèves apprennent les notions de rythme (mesure, carrure, pulsation, rapport des durées), d’harmonie et de mélodie (gammes, tonalités, intervalles, accords). Le solfège n’est pas forcément présent.
Il n’y a pas de méthode unique et chaque enseignant a improvisé sa vision de la « rythmique », très différente des méthodes passives d’enseignement de la musique ou de la danse traditionnelle. Ainsi le Directeur de TOMOE, Mr Kobayashi, après avoir suivi des cours en Europe, a dispensé les siens tous les matins à ses petits élèves : sur une musique jouée au piano, ils marchent de « façon parfaitement décontractée, en traînant presque le gros orteil par terre » puis ils adaptent l’allure au nombre de temps dans le rythme, 2 temps, 3 temps, jusqu’à 6 temps. Les mouvements des bras suivent, s’accélèrent, se modifient en fonction avec une gestuelle spécifique au nombre de temps. Et puis les changements de temps s’opèrent, il faut s’adapter ou continuer dans l’ancien rythme jusqu’à nouvel ordre… « Quand on lui demandait ce qu’était la rythmique, M.Kobayashi répondait : « C’est un jeu destiné à affirmer les mécanismes corporels, un jeu qui apprend à l’esprit à contrôler les mouvements du corps et à l’esprit de comprendre le rythme. Par sa pratique, la personnalité trouve son rythme. Une personnalité rythmée est belle et forte, et se conforme d’elle-même aux lois de la nature ». »
Mr Kobayashi, persuadée de l’intérêt de cette pédagogie pour harmoniser le corps et l’esprit, avait poussé la pratique par des séances, son cours de musique, de dessins à la craie sur le parquet de la salle commune. Affalés, couchés, assis, ou dans n’importe quelle position qui leur convenait, les enfants dessinaient les rythmes en notes de musique sans portée, fluettes ou grosses, prenant tous l’espace ou microscopiques… elles devenaient des dessins d’enfant et de vie : une « cabriole » par-ci, un « drapeau » par-là, un « drapeau-drapeau » ou un « double-drapeau », une noire, une blanche avec ou sans « grain de beauté », une ronde….
« Une grenouille qui saute dans un étang : qui n’a jamais assisté à pareille scène ? Pourtant seul Bashô a pu écrire :
Le vieil étang
Une grenouille plonge
Le bruit de l’eau !
(…) Le directeur rappelait alors la célèbre formule : « Rien n’est plus à craindre en ce monde que d’avoir des yeux incapables de voir la beauté, des oreilles incapables d’apprécier la musique, un esprit incapable de saisir la vérité et un cœur incapable de s’enflammer ». C’est là sans doute ce qu’il cherchait à éviter en incluant la rythmique au programme de l’école. »
Pour vous faire une idée de cours de solfège enseigné ailleurs avec ce même esprit JAQUES-DALCROZE, voici quelques extraits :
Cours de Rythmique-Solfège II
envoyé par Dalcroze
Cours de Rythmique-Solfège V
envoyé par Dalcroze
Cours de rythmique Parents-enfants
envoyé par Dalcroze
Pour en savoir plus sur cette pédagogie, lisez donc ici sur leur site français. La finalité de la rythmique (et une définition plus complète de la rythmique de JAQUES-DALCROZE) vous est présentée là et puis n’hésitez pas à essayer le petit questionnaire en bas de cette page, très instructif sur notre façon de concevoir la musique et le rythme. Il est aussi très intéressant de voir qu’en considérant l’espace, le temps, l’énergie dans le mouvement et la rythmique, cette pédagogie sert aussi en cas de handicap ou d’exercice de psychomotricité, par exemple pour les séniors.
Et Totto-chan m’en encore emmenée plus loin dans la découverte de la danse, comme j’aurais aimé en faire, loin des pointes ou des dictats, bien plus près de chacun tout en étant aussi énergique (et sportif). Elle a suivi quelques cours avec le célèbre professeur Baku ISHII, chorégraphe réputé, fondateur du « Centre de Recherches sur la Danse » à Jiyû-ga-oka. Paradoxalement elle attendait plus de rigueur, de pointes et de postures, des battements de cygnes pour danser sur le lac ! J’aurais aimé, pour ma part, répéter des phrases en musique comme « Soleil sur la montagne ! » : « - C’est bien que tu veuilles être un cygne, mais ce que je voudrais, c’est que tu prennes goût à danser à ta manière. » Oui j’aurais aimé… ainsi j’aurais pu suivre le rythme… avoir l’oreille et apprécier ce que la musique a à nous offrir. J’aurais vraiment aimé queCécile nous livre son avis sur cette pédagogie, elle qui sait si bien parler de musique.