Après Gaston Monnerville (1947 à 1968), Alain Poher (1968 à 1992), René Monory (1992 à 1998) et Christian Poncelet (1998 à 2008), Gérard Larcher devient le cinquième Président du
Sénat sous la Ve République.
« En ces instants d’émotion, – pardonnez-moi ! – comment ne pas penser à mon père et à ma mère, à qui je dois tant et qui me regardent en ce moment par la lucarne de la télévision,
à mon épouse Christine et à nos trois enfants. Mes pensées vont aussi – et à ces mots se superposent des visages et des voix que j’aime et que j’ai aimés – à ceux qui ne siégeront plus dans cet
hémicycle parce qu’ils ne se sont pas représentés, parce que le sort des urnes leur a été défavorable ou parce que la maladie les a emportés. »
C’est en ces termes un peu sibyllins que Gérard Larcher a pris ses fonctions de (jeune) Président du Sénat mercredi dernier.
C’est en effet sans surprise aucune qu’à 59 ans, le sénateur-maire UMP de Rambouillet et ancien Ministre du Travail a été élu Président du
Sénat ce 1er octobre 2008 vers 17 heures 30.
Élection royale ?
Il a été élu dès le premier tour avec 173 voix contre 134 à son concurrent socialiste Jean-Pierre Bel, sénateur de l’Ariège et président du groupe
socialiste au Sénat (les résultats complets ici).
Pour la première élection d’un Président du Sénat, la victoire au premier tour est un véritable exploit.
En 1989, Charles Pasqua avait permis à un Alain Poher vieillissant de s’accrocher au plateau contre la volonté du groupe de l’Union centriste dont
était issu Poher. En 1992, René Monory remporta difficilement la succession contre Pierre-Christian Taittinger et Charles Pasqua après des primaires au sein des groupes et en séance plénière. En
1998, René Monory pourtant soutenu par Jacques Chirac fut dépassé à son tour par Christian Poncelet au vote en séance plénière.
Exploit ?
Exploit ? Il y a eu quand même 32 voix qui se sont perdues dans le vote, dont 21 au moins au sein de l’UMP. Un soutien clair à René Garrec,
questeur sortant qui serait donné non renouvelé au bénéfice de Roger Romani selon certaines
sources. Et peut-être une marque de défiance vis-à-vis de Gérard Larcher au comportement un tantinet trop triomphaliste depuis sa victoire à la primaire de l’UMP.
Exploit ? En tout cas, Gérard Larcher a su faire preuve de persuasion pour éviter les candidatures multiples, car finalement, l’élection au
premier tour ne faisait aucun doute, étant donné qu’il n’y avait plus que deux seuls candidats.
Absence de concurrents multiples
En effet, après hésitation, la présidente du groupe communiste au Sénat, Nicole Borvo Cohen-Seat, avait renoncé à se présenter afin de faire bloc
derrière la candidature du groupe socialiste.
Mais ce qui est le plus notable concerne la majorité sénatoriale. Après pourtant avoir déclaré sa candidature en indépendant (en-dehors de la
primaire du 24 septembre 2008), l’ancien Ministre UMP du Budget Alain Lambert a finalement renoncé en début de journée après une réunion avec Gérard Larcher.
Le renoncement d’Alain Lambert a déçu beaucoup de sénateurs qui comptaient sur lui (et son courage) pour ne pas voter pour Gérard Larcher, rêvant
même l’apport de voix socialistes pour semer la confusion au sein de l’UMP.
Hélas, Alain Lambert n’en est pas à son premier renoncement. Il s’était déjà distingué en annonçant son refus obstiné de voter la réforme des institutions pour in fine la voter dans une subtile allégeance.
Alain Lambert, qui a des idées très intéressantes et approfondies, risque donc de voir sa crédibilité fortement entamée après cette non
candidature.
Un autre candidat s’était également fait connaître. Il s’agissait du président du groupe de l’Union centriste Michel Mercier dont on a suivi les
valses lyonnaises pendant plusieurs mois.
Son renoncement n’a pas étonné, puisque le retrait prévisible de sa candidature virtuelle n’est qu’une monnaie d’échange pour montrer l’importance des sénateurs centristes, indispensables pour
rendre majoritaire l’UMP (à ce titre, aucun des rares sénateurs MoDem ne semble s’être manifesté en-dehors de cette majorité).
Ce 6 octobre 2008 à 17 heures, tout se décidera pour les candidatures aux différents postes du bureau du Sénat qui seront pourvus en séance plénière
le 7 octobre 2008 : vice-présidences, questeurs, présidence de commissions etc., chacun de ces postes jouissant de privilèges intéressants.
Vous avez dit privilèges ?
À propos des privilèges, et notamment ceux attribués à vie aux anciens Présidents du Sénat (le fameux appartement de 200 mètres
carré auquel Christian Poncelet a dû renoncer entre autres ; notons que son prédécesseur René Monory avait refusé cet avantage), il est étonnant que périodiquement, il y ait une vague
d’antiparlementarisme qui arrive en France. Et qu’elle reparte presque aussi rapidement.
Je me rappelle clairement les avantages à vie des anciens Présidents de l’Assemblée Nationale (une voiture avec chauffeur) lorsqu’il s’est agi
d’élire le successeur de Jean-Louis Debré au perchoir en mars 2007 (Jean-Louis Debré ayant été nommé Président
du Conseil Constitutionnel).
Patrick Ollier avait été élu pour l’honneur, puisqu’il n’a pas eu à présider d’autre séance que celle de son élection, vu que c’était la fin de la
législature. Il a finalement été convenu de supprimer ces avantages.
Quant aux sénateurs à la retraite, le site Rue89 a publié l’extrait d’une lettre confidentielle reçue par un sénateur qui terminait son mandat le 30 septembre 2008, et je vous propose d’aller lire la réaction d’un assistant parlementaire sur le sujet (ainsi que les commentaires qui suivent son
article).
Entre abus parlementaires et antiparlementarisme abusif
Je ne dis pas qu’il n’y a pas quelques privilèges qui sont des abus de la République et qui mériteraient d’être supprimés, mais ne pas donner aux
parlementaires (ou anciens parlementaires, parfois encore sollicités) un certain confort, c’est privilégier ceux des plus riches et des plus franciliens. Et les rendre plus réceptifs à toute
forme de corruption.
L’antiparlementarisme joue naturellement sur le terreau de la jalousie ou de l’envie, et les élus ne font pas grand chose pour montrer aux citoyens
leur irréprochabilité.
Ce sera la tâche (très) ambitieuse de Gérard Larcher, celle de redorer l’image du Sénat dont l’utilité est reconnue de tous les juristes par
l’amélioration des lois rédigées un peu précipitamment par le Gouvernement ou l’Assemblée Nationale.
Dans un prochain article, je reviendrai sur le grand perdant de
cette élection.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (2 octobre 2008)
Pour aller plus loin :
Gérard Larcher gagne la bataille de l’UMP (25 septembre
2008).
Résultats de l’élection
(1er octobre 2008).
Vidéo de la séance de l’élection du Président du Sénat
(1er octobre 2008).
Retranscription de la
séance du Sénat du 1er octobre 2008 (présidée par Serge Dassault puis Gérard Larcher).
Perchoir, même privilège qu’au plateau ? (7 mars
2007).
Projet de
rénovation du Sénat de Gérard Larcher.
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=45190
http://fr.news.yahoo.com/agoravox/20081002/tot-comment-ne-pas-penser-mon-pere-et-ma-89f340e.html
http://www.lepost.fr/article/2008/10/02/1278983_comment-ne-pas-penser-a-mon-pere-et-a-ma-mere.html