Ce sont des rendez-vous étranges que ces soirées de la salle de droit public.
Rendez-vous de quelques initiés de l'histoire du droit administratif qui forgent dans la salle de droit public de l'Université Panthéon-Sorbonne d'autres souvenirs que ceux - heureux ou malheureux - des agrégatifs.
Ils supposent aussi de saisir l'immensité du savoir historique du professeur Jean-Jacques Bienvenu, la précision des connaissances du professeur Benoît Plessix et la finesse d'esprit du professeur Norbert Foulquier - surtout lorsqu'il fait de l'humour.
On y croise souvent le doyen de la faculté de droit d'Evry, François Colly, ou d'autres fidèles evryens - ou d'autres facultés - aux manifestations norberiennes foulquieriennes.
d'après une idée originale de Frédéric Rolin
Mais alors quel rapport allez-vous me dire avec les droits de l'homme?
Et bien la première soirée, animée par Camille Broyelle, en est la parfaite illustration. L'affaire Couitéas du 30 novembre 1923 illustre à la fois le principe d'égalité devant les charges publiques (garanti par l'article 13 de la DDHC), la protection du droit de propriété (garanti par l'article 17 de la DDHC) mais aussi la séparation des pouvoirs et la garantie des droits (de l'article 16 de la DDHC) sans oublier, pour les indigènes expulsés, la résistance à l'oppression - droit naturel et sâcré de l'article 2 de la DDHC.
Rappelons les faits:
En Tunisie, dans la région de Sousse , M. Couitéas avait été reconnu propriétaire d'un domaine de 38 000 hectares à Tabia-el-Houbira et avait obtenu par jugement le droit d'en faire expulser les occupants.
Toutefois, le gouvernement français, auquel il s'était adressé à plusieurs reprises, lui avait refusé le concours de la force militaire d'occupation, reconnue indispensable, en raison des troubles graves qu'aurait entraînés l'expulsion de 8 000 autochtones de terres dont ils s'estimaient les légitimes occupants depuis un temps immémorial.
Le Conseil d'État, saisi d'une requête dirigée contre le refus d'indemnisation du propriétaire pour le préjudice qui en résultait, jugea que le gouvernement avait pu légalement refuser le concours de la force armée car il avait le devoir d'apprécier les conditions d'exécution de la décision de justice et de la refuser tant qu'il estimait qu'il y avait danger pour l'ordre et la sécurité.
Toutefois, M. Couitéas était en droit de compter sur la force publique pour l'exécution de la décision rendue à son profit, et le préjudice résultant du refus de concours ne pouvait être regardé, s'il excédait une certaine durée, comme une charge lui incombant normalement.
En l'espèce, le préjudice, qui lui était imposé dans l'intérêt général, consistait en une privation de jouissance totale et sans limitation de durée de sa propriété, et il était fondé à en demander une réparation pécuniaire.
Ainsi, dans certains cas, le juge considère que la puissance publique peut légalement faire supporter, au nom de l'intérêt général, des charges particulières à certains membres de la collectivité, mais que le principe d'égalité devant les charges publiques, tiré de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, justifie qu'une compensation leur soit accordée.
Il convient cependant que le dommage soit anormal et spécial, c'est-à-dire qu'il atteigne un certain degré d'importance et ne concerne que certains membres de la collectivité.
Aujourd'hui cette jurisprudence est bien utile pour les squatters du ministère de la crise du logement ou les grévistes provoquant un blocus d'un port, par exemple.
Voici le programme:
Le séminaire libre d'histoire du droit administratif
dans la Salle de droit public
de l'Université Paris 2 - Panthéon-Assas
12 place du Panthéon 75005 Paris
Le mercredi 22 octobre 2008, à 18 h 00
Camille Broyelle
du risque à l'égalité devant les charges publiques "
Le mercredi 19 novembre 2008, à 18 h 00
Pierre-Yves Quiviger
" Sieyès et le droit administratif français "
Le mercredi 17 décembre 2008
Mikhaïl Xifaras " Métaphysique de l'artifice. A propos du débat ontologique autour la personnalité juridique "Jean-Jacques Bienvenu
Professeur à l'Université Paris 2 - Panthéon-Assas
Norbert FoulquierBenoît Plessix
Professeur à l'Université Paris 1 - Panthéon-SorbonneProfesseur à l'Université Nancy II