Me Leclerc: une vie de combats pour les droits de l’homme (Rémi Lainé/France 5)

Combats pour les droits de l'homme recommande de visionner ce documentaire de Rémi Lainé sur Maitre Henri Leclerc, avocat et président d'honneur de la Ligue des droits de l'homme.

Le documentaire peut être visionné ici pendant une semaine.

Que dire de Me Leclerc dont le parcours force l'admiration?

Il le dit lui-même en début du portrait sur lui :

"mes combats professionnels ont été importants et passionnants. Pour le reste je n'ai jamais été people"

Né en 1934, originaire du Limousin "où la droite c'était les Socialistes", il affrontait déjà - à peine arrivé à la fac - la Corpo droit de Lepen et comparses.
Avocat depuis 1956, il a été de tous les combats pour la justice et le progrès des droits de la défense.

Ses combats politiques et sociaux

Les combats politiques d'abord: comités de soldats, indépendantistes algériens, autonomistes guadeloupéens, corses ou bretons... mais aussi les "enragés de Nanterre", la gauche prolétarienne

Mais, aussi et surtout - il y tient - les "causes sociales": des paysans en lutte contre les géants de l'agroalimentaire dans les années 1970 aux mineurs des houillères dans les années 1980 pour la CFDT - dont il obtient les condamnations.

Il prend part aussi au soutien du mouvement des prisons en 1971 qui revendique l'amélioration des conditions de détention. On sait que Michel Foucault prendra part à ce mouvement avec le Groupe d'information prisons.

Installée au coeur du Paris populaire, dans le 18e arrondissement, l'équipe de la rue d'Ornano se transforme souvent en " boutique du droit" pour permettre aux plus démunis d'accéder au droit, sans rendez-vous, au tarif d'une consultation... médicale.

Il défend aussi la liberté de la presse, particulièrement le quotidien Libération dans des procès parfois croquignolesques.

Il a participé à la réforme du Code pénal lorsque Robert Badinter était garde des Sceaux

Me Leclerc a également été l'avocat des causes soi-disant perdues. Animé par la culture du doute, il n'hésite pas à nier les évidences et s'attaque aux faux aveux, lors du procès de Richard Roman, en 1992.

Il défendra aussi quelques grands noms du banditisme : François Besse, le compagnon de Jacques Mesrine, André Bellaïche, le cerveau présumé du "gang des postiches" - dont il obtient l'acquittement. Celui-ci témoigne lui-même que pendant deux jours de procès il doutait de la défense de son avocat " qui dormait" avant de le voir sortir le "grand jeu" pendant le témoignage du témoin principal.

Il représente aussi une partie civile au procès Touvier en 1994 ou défend Lucien Léger.

Plus récemment il défend Gilles Perrault, qui défend toujours l'innocence et l'extorsion des aveux de Chistian Ranucci dans l'affaire du "pull over rouge" ou encore le Dr Dray dans l'affaire de l'hormone de croissance.

Il a aussi défendu la famille de Mme Marchal, du côté des parties civiles, dans l'affaire Omar Raddad - ce qui n'a pas été sans difficulté pour la défense.

C'est tout naturellement qu'il deviendra président de la Ligue des droits de l'homme de 1995 à 2000 - dont il est toujours membre du comité central (on en voit d'ailleurs une réunion avec notamment l'actuel président Jean-Pierre Dubois ou encore Danièle Lochak).

Il défendra alors particulièrement la cause des sans papiers, notamment au moment de l'évacuation de l'église St Bernard ou plus récemment l'instauration des tests ADN pour les rapprochements familiaux de la loi Hortefeux de novembre 2007.

Le principal combat est celui à venir

Regardant son parcours avec fierté il attend surtout... le prochain combat:

" la plus importante affaire, chez un avocat, est toujours celle qui est en cours. Le présent compte toujours davantage".

Scènes touchantes aussi du portrait où on le voit avec sa femme et ses filles décrire ses angoisses avant les procès et sa maladresse inconsciente dans la gestion de ses papiers - qu'il décrit comme un moyen de toucher le jury par l'empathie.

Que veut-il léguer à son petit fils ? " Un monde meilleur que celui dans lequel j'ai vécu - sinon j'aurai râté ma vie".

Sa vocation lui est venu à la lecture, lors de l'adolescence, de " Pourquoi je n'ai pas défendu Pierre Laval" d'Albert Naud.

C'est donc le respect absolu de l'homme que défend ce grand avocat. L'exigence d'être à côté de celui qu'on condamne par avance, qu'on déteste

A 74 ans, l'homme pose un regard assagi sur ses discours passés, mais ne regrette rien :

"Je n'ai pas un mot à en retirer. Et ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est que ces propos sont extrêmement actuels. La conception de la justice que je condamnais est la conception de la justice qui règne aujourd'hui."

Fidèle à ses engagements et à son éthique professionnelle, sa devise se trouve dans ces vers de la ballade... des pendus de François Villon:

"Frères humains qui après nous vivez,
N'ayez pas vos cœurs durcis à notre égard,
Car si vous avez pitié de nous, pauvres,
Dieu aura plus tôt miséricorde de vous".

Le reportage est réalisé par Rémi Lainé, documentariste qui a souvent été associé à Daniel Karlin pour une série sur la justice en France.

On lui doit plus récemment Indigènes impact pour lequel j'ai eu le plaisir de le rencontrer avec... mes étudiants de L3 en libertés fondamentales.