-
- Gisti
- Dans la presse
- Mémoire
- Pétitions
action collective
La France en flagrant délit de violation du droit communautaire sur le droit au séjour des citoyens de l’Union
Plusieurs associations de défense des étrangers et des droits de l’homme ont saisi la Commission Européenne d’une plainte mettant en cause la France pour de multiples violations du droit communautaire régissant le séjour en France des citoyens de l’Union et leurs familles.
Ce droit est régi par des normes européennes – règlements, directives, jurisprudence de la Cour de Luxembourg – applicables en France directement ou par le biais de textes internes de « transposition ». Cependant, les très nombreux cas répertoriés dans la plainte démontrent que les textes permettant aux citoyens de l’Union et à leurs familles de venir en France, d’y travailler, d’étudier, de prendre leur retraite, ou tout simplement d’y résider, restent souvent lettres mortes faute d’être connus et/ou appliqués par les administrations concernées.
Les violations recensées dans la plainte concernent principalement deux catégories de personnes :
1) Les citoyens européens appartenant à des minorités en butte à des discriminations, tels les Roms de nationalité roumaine ou bulgare
Il ressort des témoignages présentés dans la plainte qu’en maniant la carotte (de 150 à 300 euros versés par l’ANAEM (Agence Nationale d’accueil des étrangers et des migrations) comme aide prétendue « humanitaire » pour un retour prétendu « volontaire »), et le bâton (reconduites à la frontière, obligations de quitter le territoire, menaces d’emprisonnement), les autorités, notamment en Ile-de-France, ont expulsé des Roumains et des Bulgares par centaines.
Bien souvent, alors que le droit prévoit pour les ressortissants communautaires des mesures de protection contre l’éloignement, et alors que les autres européens aux faibles revenus ne sont pas l’objet d’un tel harcèlement, policiers, agents des préfectures ou de l’ANAEM, agissent sur la foi de « déclarations » des intéressés qui sont en fait pré-rédigées et identiques pour l’ensemble des occupants du campement évacué, sans prendre le temps d’examiner les situations individuelles comme le droit communautaire leur en fait obligation.
C’est dire le peu de cas que font les pouvoirs publics français des droits acquis par ces nouveaux citoyens d’Europe. Quand les Roms réussissent à déposer un recours contre leur éloignement (délai de recours de 48 heures en cas de reconduite à la frontière), les tribunaux administratifs se sont jusqu’ici abstenus pour la plupart de sanctionner ces opérations policières, et préfèrent souvent ne pas statuer sur les moyens soulevés qui sont tirés de la violation du droit communautaire.
2) Les membres de famille des citoyens européens qui sont originaires des pays « du sud »
Après avoir rappelé le 10 septembre dernier qu’« au 1er janvier 2006, seuls 2 % d’européens vivaient dans un pays de l’Union différent de leur pays d’origine », la présidence française de l’Union Européenne a déclaré vouloir favoriser « la mobilité transnationale en Europe » [1].
Les auteurs de la plainte rappellent que le droit communautaire permet aux ressortissants européens de s’installer dans un autre pays membre depuis les années 1960 déjà, et pour que cette liberté de circulation puisse s’exercer de manière effective et sans entrave, accorde un droit immédiat et inconditionnel de séjour et de travail aux membres de leur famille également, même si ces derniers ne sont pas eux-mêmes européens.
Or, des cas cités dans la plainte révèlent que certaines préfectures refusent d’accorder des titres de séjour à des conjoints de ressortissants communautaires, au motif qu’ils ne remplissent pas les conditions de séjour applicables aux autres étrangers. Il est particulièrement choquant de voir que cette pratique illégale touche systématiquement les conjoints originaires d’Afrique et du Moyen Orient.
* * *En entendant Rachida Dati évoquer récemment « l’absolue nécessité de former les professionnels de la Justice à l’Europe » [2] dans l’ensemble des 27 Etats membres, les associations signataires de la plainte demandent au gouvernement français de commencer par balayer devant sa propre porte, en rendant effectif le droit à la libre circulation de tous les citoyens de l’Union et de leurs familles en France, qu’ils soient britanniques ou italiens, polonais ou roumains.
Elles demandent au gouvernement de donner des instructions claires aux Préfets pour mettre fin aux violations décrites dans la plainte, et d’organiser la formation continue en droit communautaire des magistrats des juridictions nationales, pour que ces derniers soient en mesure d’assumer pleinement leur rôle de « juge communautaire de première instance » chargé de faire respecter ce droit.
Paris, le 30 septembre 2008Organisations signataires : CCFD, Cimade, FASTI, GISTI, Hors la Rue, LDH, MRAP, Collectif Romeurope.
- Saisine de la Commission européenne