À hauteur de la caisse, librairie de Paris, place de Clichy, à Paris. Cet opuscule minuscule, Eloge de rien. Epais comme rien (58 pages) au coût de 3 euros. Publié par Allia, dédié à Personne, signé Anonyme, une réédition d’un ouvrage publié en 1730, en plein Siècle des Lumières, explique l’éditeur d’aujourd’hui, ” il s’inscrit dans la tradition des éloges parodiques de l’Antiquité grecque – on doit à Lucien un Eloge de la mouche, à Synésios de Cyrène celui de la calvitie – et de la Renaissance, avec Erasme et son Eloge de la folie. Cependant, l’auteur pousse ici cette logique jusqu’à l’absurde, tournant en dérision les éloges académiques de son siècle, occasions de célébrer les sciences, la littérature et les arts. En ne glorifiant que le Rien, sous toutes ses formes, cet ouvrage défie le ton grave et solennel, cultive à plaisir les paradoxes. En ne chantant les louanges de Rien, l’auteur célèbre tout et Rien. “
Cet Eloge de rien semble parfaitement adapté à la collection 3 euros d’Allia, qui la présentait ainsi en février dernier :
” Un livre à 3 euros, (…) c’est un moyen d’accéder à la culture en évitant les pièges du numérique, gratuit, certes, mais non sélectif et souvent peu fiable.
On observe aujourd’hui, avec ces nouveaux supports, une forme de boulimie de consommation culturelle. Pourtant, il est évident que l’assimilation de ces produits d’accès illimité dépasse largement les capacités d’un individu, et entraîne un manque de maîtrise de la connaissance, favorise et révèle une approche intellectuelle mal structurée. Le livre demeure le seul rempart contre ces dérives, la seule façon de reprendre possession de nos capacités de discernement, de faire un choix véritablement personnel.
Or, le prix des livres freine de plus en plus l’acte d’achat. Une collection à 3€ autorise le lecteur à prendre un risque (ce que l’accès à la culture gratuite est en train de faire disparaître) et provoque une excitation sensible et presque sensuelle.
Malgré la possibilité de télécharger des ouvrages à partir des bibliothèques numériques (telles que Gallica), l’objet livre reste irremplaçable. (…) Tout se joue maintenant : au moment même où les pratiques de lecture changent. Si l’introduction du numérique a modifié l’accès à la culture : lancer une collection à 3 euros, c’est façonner, à long terme, des habitudes de lecture déterminantes, en particulier pour les jeunes générations. “
En somme, toutes choses égales par ailleurs, cet ” éloge ” est un rien coûteux.