Les lieux ont changé, sans pour autant pouvoir se dire totalement différents. Le sèche-mains fonctionne à, et un flipper a même été installé, sur l’estrade. Il manque certaines choses, qui faisaient l’essentiel de l’atmosphère. Finie l’ambiance calfeutrée que procuraient les ondes de fumée de cigarette ; finis les bavardages incessants des lycéens qui s’entremêlaient aux rires gras des poivrots venus fuir leurs échecs. Qu’est-ce à dire ? Tout est fini, pour laisser place à autre chose.
Alors je plonge vers le miroir des toilettes des hommes. L’eau glacée envahit mes mains et j’observe mon visage, détendu, et toujours heureusement marqué par l’angoisse et certaines souffrances personnelles. Maintenant, à cette petite table ronde que je n’envahissais plus ces derniers temps, les anciens réflexes reviennent. A croire que ce café a toujours été un lieu propice à la mitraille des mots. Il manque évidemment le cendrier et mon cancer qui charge. Mais à cet instant, il me semble que la magie opère sans que je l’ai vraiment décidé.
L’écran me fait face, et le clavier souple sous mes doigts se laisse faire. Si j’avais cru un jour avoir besoin de carburants particuliers pour pouvoir créer, cela me prouve le contraire. Ces substances servent à la fois de carburants, de fuites, d’apaisement. Autant de bonnes raisons d’être lâche, et de s’affronter. Les dépendances que je le suis choisies ne font qu’accentuer cette sensation de liberté, indissoluble, comme l’ultime acide, le dernier verre à avaler.
Je me recule et m’adosse au banc. L’infinité des pages virtuelles ne me terrorise plus comme auparavant. Au contraire, je dirais qu’elle sert à présent de stimulant, de coups de fouet donnés à même le dos nu. En quelques sortes, un excès de plus.
Mes excès sont autant d’ongles féminins qui griffent les chairs pendant l’amour.