L’éditeur américain Random House avait jeté l’éponge en août, craignant des représailles. Les droits pour le Royaume-Uni ont alors été achetés par Martin Rynja, propriétaire de la maison d’édition indépendante Gibson Square. Samedi, son domicile londonien a été visé par un cocktail Molotov qui a déclenché un début d’incendie. Trois hommes ont immédiatement été arrêtés par Scotland Yard, qui protégeait depuis plusieurs semaines sa maison. L’éditeur a été, depuis, placé sous protection policière dans un lieu secret. Hier, les trois auteurs présumés de l’incendie étaient toujours en garde à vue.
«Soft pornographie». Ecrit par une Américaine, Sherry Jones, le Joyau de Médine raconte d’une façon romancée la vie de celle qui est considérée comme l’épouse préférée du prophète, depuis son mariage, à 6 ou 7 ans, jusqu’à sa mort, à Médine, quarante-cinq ans après celle de Mahomet.
Présenté comme un «roman d’amour et d’intrigue», le livre se fonde sur des faits historiques mais librement adaptés. Aux Etats-Unis, Random House avait renoncé à le publier, malgré les 100 000 dollars d’à-valoir déjà versés, en suivant l’avis d’une universitaire américaine spécialiste de l’Islam qui recommandait de «ne pas jouer avec une histoire sacrée et en faire de la soft pornographie.» «Quiconque lira le livre verra qu’il ne fait qu’honorer le prophète et son épouse favorite, avait répondu l’auteur. J’ai délibérément et consciemment écrit de façon respectueuse sur l’Islam et sur Mahomet. Estimer qu’il pourra provoquer des réactions violentes de certains musulmans est absurde.»
C’est pourtant bien ce qui avait conduit l’éditeur américain à annuler, au dernier moment, la publication, au nom de «la sécurité de l’auteur, des employés de Random House et des libraires.» «Qu’une des plus grosses maisons d’édition du monde renonce à publier ce livre en dit long sur l’état de la liberté d’expression aux Etats-Unis», avait alors grincé l’agent de Sherry Jones.
Polémiques. C’est alors que Gibson Square a récupéré le négoce et la controverse qui va avec.
Martin Rynja s’est spécialisé depuis plusieurs années dans les livres polémiques refusés par les grosses maisons d’édition, «parce que, pour eux, ces livres ne pèsent pas lourd parmi
«Age de pierre». Malgré l’attaque de samedi, il est peu probable que Gibson Square renonce à la publication du Joyau de Médine. «J’ai été bouleversé par ce roman et l’histoire d’amour qu’il raconte, affirmait Martin Rynja début septembre, quand il a acheté les droits. J’ai tout de suite senti qu’il me fallait le publier.» Défendant Sherry Jones et «ses recherches poussées» sur Mahomet et Aïcha, il a estimé qu’il ne fallait «pas avoir peur du débat» : «Ce livre est devenu un baromètre important de notre époque. S’il ne peut pas être publié ici, cela voudra vraiment dire que les aiguilles de nos horloges remontent vers l’âge de pierre.»
Dimanche, un prêcheur islamiste a estimé que l’attentat contre le domicile de Martin Rynja était «le début de la fin» pour The Jewel of Medina : «Si cette publication se confirme, il y aura inévitablement d’autres attaques, a lancé Anjem Choudary, ancien membre du groupe radical Al-Mouhajiroun, fondé par Omar Bakri, cette figure du «Londonistan» expulsée du Royaume-Uni en 2006. Les conséquences seront sévères pour tous ceux qui ont été associés à ce livre qui s’en prend à l’honneur de Mahomet.»